« Face aux périls, faire de Poitiers une ville de résistance » – Propos liminaires lors du Conseil municipal du 10 février 2025

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Propos liminaires d’Ombelyne Dagicour, Zoé Loroux-Chevalier et Clémence Pourroy, lors du conseil municipal du 10 février 2025

“Une fenêtre sur le monde” : c’est ainsi que Jean-Richard Bloch qualifiait sa maison, la Mérigotte, à Poitiers.  

De cette fenêtre, Jean-Richard Bloch a vu en son temps la montée des régimes fascistes en Europe, la débâcle, puis l’occupation et l’oppression nazie, que la famille Bloch a payé de la vie de certains des siens, notamment France Bloch Sérazin, victime du nazisme en 1943.  

De notre fenêtre sur le monde d’aujourd’hui, depuis Poitiers, nous voyons avec une immense inquiétude, la montée des populismes et de l’extrême-droite, la tentation du repli, la désignation de boucs émissaires qui fragilisent partout nos démocraties, y compris l’une des plus anciennes comme les Etats-Unis.  

En ce début d’année 2025, l’investiture du président Donald Trump a marqué un tournant alarmant pour la démocratie américaine, et par extension, pour le monde entier. Sa remise en cause des institutions et des contre-pouvoirs, son mépris affiché pour les droits des minorités et son climato-scepticisme assumé représentent une menace grave et un pas supplémentaire vers l’illibéralisme et un risque réel de glissement autoritaire.  

Le soutien des milliardaires de la Tech, à commencer par Elon Musk, au président Trump témoigne plus largement de notre entrée dans une nouvelle ère : celle de la “milliardocratie”, pour reprendre ici l’expression de Cécile Duflot, secrétaire générale d’Oxfam, dans une récente tribune. Une ère dans laquelle les milliardaires, non contents d’accumuler de plus en plus de richesses, ne souhaitent plus s’encombrer du respect de l’Etat de droit, ni se contenter de leur discret pouvoir d’influence dans nos vies. Une “milliardocratie” dans laquelle Elon Musk, connu pour ses accointances avec l’extrême-droite américaine, salue ses partisans d’un double salut nazi. Au-delà d’une simple polémique sur la portée du geste et la volonté politique de son auteur, cet événement loin d’être anodin nous montre à quel point la banalisation des gestes et des idées d’extrême-droite a progressé dans nos démocraties occidentales. 

Dans ce nouveau monde, qui semble déjà séduire certains milliardaires français, à en croire les récentes déclarations de M. Bernard Arnault, ce sont les fondements de la démocratie et d’un Etat social, protecteur, qui sont attaqués sans vergogne et sans fard :  la garantie de nos libertés individuelles et collectives, l’égalité des droits, la contribution de toutes et tous à l’impôt pour financer nos services publics et la solidarité envers les plus fragiles. Les plus riches font désormais sécession.  

Dans ce monde individualiste et livré aux égoïsmes nationaux, ce sont toujours les plus fragiles d’aujourd’hui et de demain qui payent le plus grand prix : les migrants, les pauvres, et la planète elle-même.  Avec le retrait unilatéral des Etats-Unis, deuxième pays émetteur de gaz à effet de serre de la planète, de l’Accord de Paris, ce n’est rien de moins que la possibilité de vivre une vie digne sur une Terre (encore) habitable pour les générations présentes et futures qui s’éloigne un peu plus.  

De ce monde-là, depuis notre fenêtre poitevine, nous n’en voulons pas.  

Pourtant, nous le subissons déjà.  

Nous le subissons parce que les choix politiques de Donald Trump ont déjà des conséquences concrètes ici et maintenant : citons un exemple, le gel des aides internationales, alors que les Etats-Unis étaient jusqu’à présent le premier bailleur de fonds au niveau mondial pour l’aide au développement. Avec le possible effondrement du système d’aide humanitaire mondial, ce sont bien des millions de personnes ayant besoin d’une assistance et de protection qui en seront privés.  

Et – mais jusqu’où ce cynisme inouï ira-t ‘il ? – nous voilà, de manière sidérante, dans l’obligation de redire notre attachement au droit international, et que non, un Etat ne peut vider un territoire entier de sa population pour y installer une Riviera.  

Alors ce soir, dans notre maison commune, nous réaffirmons notre solidarité envers la population palestinienne et notre soutien indéfectible aux personnes migrantes à travers le monde. Alors que les frontières semblent partout se refermer, qu’ils et elles soient assurés de trouver à Poitiers, une ville-refuge, fière de ses valeurs d’accueil et d’hospitalité.  

A rebours donc des propos polémiques et populistes de certains de nos responsables politiques nationaux, dont notre Premier ministre qui nous avait pourtant habitué jusque-là à une certaine modération, et qui voudraient nous faire croire à une “submersion” migratoire. A rebours de ces propos qui illustrent un naufrage, celui du libéralisme gangrené par des idées xénophobes nauséabondes qui n’ont même plus le bon goût de se camoufler. 

Nous vivons assurément une période marquée par des bouleversements profonds. Alors que la peur est instrumentalisée pour justifier la fermeture des frontières, la restriction des libertés et la remise en cause des valeurs humaines qui nous unissent, nous, ici, à Poitiers, refusons cette fatalité.  

Nous croyons en une autre voie : celle de la solidarité, de l’ouverture et de l’engagement citoyen. Nous devons rester vigilants face à ces dérives et défendre sans relâche nos principes démocratiques au service d’une société plus juste et plus écologique. 

Mais à ces menaces politiques globales, s’ajoute une autre bataille, locale cette fois. Celle de l’austérité budgétaire, imposée sans discernement par le gouvernement Bayrou, et de Barnier avant lui, qui asphyxie les collectivités locales, étrangle nos services publics, fragilise les plus précaires, et creuse les inégalités. Quand une collectivité n’a plus assez de moyens pour fonctionner, quand une entreprise à délégation de service public telle que La Poste décide unilatéralement de fermer ses bureaux, comme c’est le cas à Poitiers Sud, c’est la démocratie locale que l’on affaiblit. C’est le sentiment d’abandon, la défiance envers les institutions, et l’extrême-droite populiste que l’on nourrit.   

La démocratie se vit jour après jour dans nos quartiers, nos écoles, nos associations, avec nos partenaires sur le territoire. Pour cela, nous avons besoin de moyens. Et c’est là, précisément que nous devons aussi résister. Car oui, les communes sont et resteront le premier rempart contre ces dérives. Et à travers le vote du budget municipal ce soir, c’est bien notre refus de céder à la résignation qui s’exprime avec force.  

Ici, à Poitiers, nous sommes déterminés à préserver l’essentiel. Ici, nous continuerons à défendre des services publics de proximité, à garantir un cadre de vie agréable et apaisé, à soutenir les acteurs associatifs, culturels, sociaux, sportifs et économiques qui font la force et le rayonnement de notre territoire. Préserver l’essentiel, c’est soutenir l’éducation avec la fin en 2025 de la rénovation-extension de l’école Andersen aux Couronneries, ou encore la rénovation énergétique de l’école maternelle de la Porte de Paris.  

Préserver l’essentiel, c’est tenir bon sur la justice sociale avec plus de 67% du budget dédié à aider les plus fragiles et permettre l’accès aux droits pour toutes et tous. C’est le soutien, en partenariat avec l’Etat, à l’ouverture d’un accueil de jour géré par la Croix-Rouge, ou encore la poursuite du dispositif Vacances pour tous à destination de nos aînés.  

Préserver l’essentiel, c’est continuer de donner toute sa place à la nature en ville et adapter Poitiers au changement climatique.  

Préserver l’essentiel, c’est continuer d’être présent aux côtés des habitantes et habitants, et encourager les initiatives citoyennes. C’est le sens de notre priorité quartier, réaffirmée ce soir avec le maintien du FIQ d’une part, et l’installation du Groupe d’intérêt public de médiation sociale et 8 médiateurs en cours de recrutement.  

Préserver l’essentiel en 2025, c’est autant d’occasions de se retrouver et faire vivre la convivialité, avec par exemple, une nouvelle fête du Pont Neuf, ou bien encore l’accueil du Tour de France féminin cet été.  

Préserver l’essentiel, c’est enfin permettre le débat et faire vivre la démocratie en donnant la parole aux habitantes et habitants à travers la 2ème édition de l’Assemblée citoyenne et populaire, et en favorisant la créativité et la participation citoyenne par les évolutions apportées aux Budgets Participatifs. En construisant tous ensemble, l’avenir que nous voulons.  

Alors, subir ou agir ? Ici, ce soir, nous faisons le choix d’agir pour refuser l’austérité comme horizon indépassable, pour continuer à faire de Poitiers une ville où il fait bon vivre, solidaire, joyeuse. Une ville de résistance.  

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