Salles de spectacles, médiathèques, musées, salles de concert, lieux de diffusion, lieux culturels : depuis neuf mois, ils programment, déprogramment, reprogramment, accueillent des artistes en résidence, font tout pour sauver ce qui peut l’être et faire vivre l’art et la culture dont nous avons tant besoin au quotidien. Ils s’étaient adaptés pour pouvoir rouvrir le 15 décembre : tout était prêt pour accueillir le public dans de bonnes conditions sanitaires. Mais ce n’est pas le choix qui a été fait au niveau national. Une décision qui met à mal les structures culturelles, mais également les artistes, les techniciens, les acteurs de l’événementiel et toutes celles et ceux qui œuvrent pour la diffusion culturelle.
Concert inaugural au Confort Moderne (S. Laval)
Ce nouveau report est un coup dur pour un secteur déjà très éprouvé, et qui n’avait pas attendu la crise de la covid pour être en difficulté. Certes, des aides ont été distribuées, le chômage partiel a été déployé, certaines charges suspendues, des prêts bancaires différés. Tous ces dispositifs permettent à de nombreux acteurs de survivre et on peut s’en réjouir. Mais le coût du confinement pour la culture n’est pas que financier. L’impossibilité d’exercer leur métier dans l’espace public ou dans les salles, l’absence de visibilité sur les projets, la précarisation grandissante des contrats, le distanciel qui distend les liens et inhibe le processus créatif, et surtout la perte de contact avec les publics affectent grandement la santé psychique des artistes et du monde culturel dans son ensemble. Les innovations digitales, les nouveaux formats pour « se réinventer » donnent le change et peuvent même donner quelques résultats encourageants, mais ne répondent pas à ce besoin essentiel de se voir, de créer, d’échanger, de faire commun, d’être ensemble tout simplement.
La salle des Pas Perdus du Palais n’attend que de retrouver ses visiteurs et animations!
La culture n’est pas un luxe. La culture n’est pas la cerise sur le gâteau d’une société déjà repue. La culture, pour reprendre les mots de Jean Rostand, « c’est l’habitude du doute, le discernement dans la méfiance, la modestie d’opinion, la patience d’ignorer, la certitude qu’on n’a jamais tout le vrai en partage; […] c’est révérer le génie mais sans en faire une idole, c’est toujours préférer ce qui est à ce qu’on préférerait qui fût. » Autrement dit, c’est tout ce qui permet à des individus de se forger, de s’exprimer, d’exercer leur esprit critique, d’avancer collectivement en réinjectant du sens dans ce qu’ils vivent. De rêver à d’autres imaginaires. D’être libres. Autant d’impératifs dont nous avons plus que jamais besoin, et dont nous manquons cruellement. Nous le réaffirmons, et n’aurons de cesse de le répéter : la culture est nécessaire, indispensable, vitale. Elle fait partie de l’ADN de Poitiers.
Alors, nous, élu.e.s de la collectivité, que pouvons-nous faire ? Comment pouvons-nous aider ?
Nous accompagnerons le déconfinement de la culture en activant tous les leviers possibles, au plus près des besoins des acteurs. Nous faciliterons au maximum l’occupation et la réappropriation culturelle de l’espace public. Nous utiliserons la commande publique pour aider les artistes à se projeter et faire éclore les projets de 2021. Nous mettrons en valeur nos acteurs locaux en communiquant largement sur les manifestations culturelles à venir, pour les faire gagner en visibilité. A la fin du mois de janvier, une rencontre sera organisée avec un grand nombre d’entre eux, pour discuter collectivement de ces différentes mesures et dessiner ensemble de nouvelles perspectives. Nous espérons ainsi pouvoir redonner du souffle à notre vie culturelle et permettre aux artistes et au public de se retrouver enfin. En un mot, déconfiner la culture et nous déconfiner nous-mêmes.