Le 16 avril, Poitiers Collectif a organisé une plénière sur le thème du commerce local à Poitiers. L’événement, animé par Clémence Pourroy, conseillère municipale déléguée au Patrimoine historique, au tourisme et à l’archéologie à la Ville de Poitiers et membre de Poitiers Collectif, a rassemblé des habitantes et habitants pour réfléchir aux enjeux actuels du commerce local, dans un contexte de transition écologique, économique et numérique.
Clémence Pourroy, a ouvert la discussion en soulignant que le thème de la plénière allait au-delà de la simple question du commerce : il s’agissait de comprendre comment nos manières de consommer évoluent et comment cela impacte les rues, les quartiers, le centre-ville, ainsi que les commerces et les habitudes de vie des Poitevins et des Poitevins. Clémence a mis l’accent sur le fait que la consommation est aujourd’hui un pilier central de nos vies quotidiennes, mais qu’elle doit impérativement être repensée face à l’ampleur de son impact sur l’environnement et la société. Elle a cité plusieurs chiffres frappants : la consommation de biens a été multipliée par quatre depuis 1960, et chaque jour en France, 7 millions de vêtements neufs sont achetés. Elle a aussi évoqué la déconnexion de l’acte d’achat par rapport aux besoins réels des consommateurs et à leur environnement immédiat, avec une consommation qui se fait principalement en ligne, souvent via des smartphones. Clémence a rappelé que le secteur du e-commerce représente désormais 10% du commerce de détail en France, avec une majorité des achats effectués depuis des téléphones portables, accentuant ainsi l’éloignement des commerces locaux. Elle a aussi abordé l’impact écologique de cette consommation, particulièrement dans l’industrie du textile, responsable de 8% des émissions mondiales de CO2, mais aussi de la dégradation des conditions de travail à l’échelle mondiale. Enfin, elle a soulevé une question cruciale : « Où est notre liberté dans nos consommations ? », en soulignant l’importance démocratique de cette question dans un contexte où nos désirs sont souvent orientés par des algorithmes et des stratégies de marketing.
Trois intervenants ont été invités à partager leurs expériences et leurs réflexions sur le commerce local à Poitiers : Guillaume Philippe, co-organisateur du Festival de la Mode Responsable, a présenté son événement comme un exemple de commerce engagé, mettant en avant des créateurs de mode respectueux de l’environnement et des conditions de travail des producteurs. Il a expliqué comment cet événement contribue à changer les habitudes de consommation et à promouvoir une mode plus éthique et locale, en phase avec les préoccupations des consommateurs soucieux de l’impact écologique de leurs achats. Vincent de Guitarre, directeur des Leclerc de Poitiers et Buxerolles, a expliqué comment la grande distribution tente de s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs, en intégrant des produits locaux et responsables dans ses rayons. Il a évoqué les difficultés rencontrées par les grandes surfaces face à la concurrence des géants du e-commerce et les défis liés à la rentabilité et à l’accessibilité des produits responsables. Toutefois, il a mis en avant certaines initiatives des magasins pour limiter leur empreinte écologique, comme l’introduction de produits issus de circuits courts. Stéphan Hamache, tapissier décorateur au Pont-Neuf, a donné un éclairage sur le commerce artisanal, mettant en lumière la nécessité de préserver les savoir-faire locaux dans un contexte de globalisation. Il a souligné l’importance de la personnalisation des services et de la qualité pour répondre à une clientèle de plus en plus exigeante, tout en étant respectueuse de l’environnement.
Industrie du textile, économie circulaire, évolution des grandes et moyennes surfaces, de nombreux sujets ont été évoqués pendant cette plénière, nous essayons de vous les partager ci-dessous.
Textile : la démesure industrielle qui nous habille
Guillaume Philippe début par un témoigne : après avoir monté un défilé Chanel sous un iceberg artificiel au Grand Palais, il lui a fallu « atterrir ». Les chiffres qu’il déroule donnent le vertige : 100 milliards de vêtements produits chaque année dans le monde, dont 30 % ne verront jamais un portemanteau ; l’ultra‑fast‑fashion aligne 10 000 références nouvelles… par jour ! Résultat : des décharges de fripes qui s’étalent jusque dans le désert d’Atacama et une industrie responsable de 8 à 10 % des gaz à effet de serre planétaires.
Au‑delà des impacts environnementaux, le temps d’échange avec les participants permet également d’aborder la question de l’inclusivité de la mode. En effet, alors qu’en france la taille moyenne est 42, les défilés présentent des tailles 34 et il y a une déconnexion entre les besoins réels et l’offre des magasins. De ce fait, lorsque l’on cherche des grandes tailles, on est obligés de commander sur Shein ou d’autres marques de fast fashione.
Le paradoxe est posé : comment concilier mode responsable et accessibilité pour tous ?
Meuble et économie circulaire : l’espoir passe par l’atelier
Changement de matière, même combat. Dans son atelier du Pont‑Neuf, Stéphan Hamache restaure fauteuils et conçoit des canapés sur mesure. Chaque mois, deux mètres cubes de chutes de mousse partent en déchetterie – 300 € la tonne. Face à l’absurdité, l’artisan ressuscite une vieille floconneuse, broie la mousse et, avec La Regratterie et la Croix‑Rouge Valoris, lance la gamme FIBRE : des assises 100 % « surcyclées » et locales, bois compris. L’objectif ? Vingt pièces par an, trois emplois d’insertion, et la preuve qu’une filière circulaire peut recréer de la valeur… si l’on trouve un entrepôt, des machines et des débouchés publics.
Grande distribution : l’hypermarché se cherche un avenir sobre
Face à ce modèle artisanal, Vincent de Guitare porte la voix d’un géant : 550 salarié·e·s et des rayons capables de nourrir « toutes les bourses ». Confronté à Amazon et consorts, Leclerc multiplie les chantiers : réduction des suremballages (les packs d’eau ne sont plus cerclés de plastique mais collés), rachat de vêtements et d’électroménager d’occasion, tests de consigne verre via la filière Citeo, drives piétons et tournées mutualisées pour le dernier kilomètre. Leclerc souhaite même défendre des normes européennes communes : « La taxe punitive ne suffit pas, il faut élever le standard social et environnemental pour tous », insiste son directeur.
Commerce & lien social : sans rencontre, pas d’achat durable
Au fil des échanges, un mot revient : rencontre. Qu’il s’agisse de l’odeur du bois raboté chez Stephan Hamache ou de la discussion impromptue au rayon fromages, c’est la relation humaine qui fait tenir le commerce de proximité. D’où l’appel de la salle à renforcer les ateliers cuisine anti‑gaspi, les repair cafés textile, la présence d’animateurs dans les drives, ou encore un éventuel label “commerce sobre” pour les enseignes qui jouent le jeu.
Et maintenant ?
Le contenu de cette plénière viendra alimenter le travail des différents groupes de travail, notamment celui sur les économies. Et vous pouvez également retrouver l’enregistrement complet de la table ronde ici.
Et en attendant, Poitiers Collectif vous donne rendez-vous :
Mercredi 10 juillet : restitution des dix groupes thématiques avant la trêve estivale.
Mardi 13 mai, 19 h 30 : verre d’accueil au Gambetta pour les curieux·ses qui veulent rejoindre l’aventure ;
Mercredi 21 mai et jeudi 12 juin : plénières #4 et #5 – thèmes annoncés bientôt ;