Compte-rendu WorkShop Olivier Bouba-Olga
16 mars 2019
/ Matinée
Animation : Maryse. Participants seulement, pas Olivier Bouba-Olga, qui nous a rejoint pour l’après-midi.
Question posée aux participants : « Que représente chaque lettre de la CAME pour vous ? »
L’idée est de défricher notre propre vision, personnelle et politique, de chacun des termes… Et de voir si nous sommes addicts !
1/ Poitiers est elle Compétitive ?
« Qu’est ce que la compétitivité ? » : Notions de classement des villes, les classements sont partout aujourd’hui, de même que la compétition.
Avis exprimés :
Oui : Même si la compétitivité n’est pas automatiquement associée à Poitiers, on est obligé par le système de rentrer dans une forme de compétition. Et on est parfois content que les acteurs de notre ville se soient battus dans un univers compétitif pour maintenir / obtenir des choses : une gare LGV, un CHU, une université…
Non : Nous ne percevons pas notre ville comme compétitive, en tout cas nous ne voulons pas qu’elle le soit selon certains critères ! Nous la pensons plutôt en termes de complémentarité, de coopération, d’harmonie, de mixité sociale, de tranquillité…. Leadership ? Exemplarité ?
La grande Région est très présente dans les échanges. Le contexte Nouvelle Région a entraîné un changement de culture qui pose des enjeux importants : alors que l’ex-Poitou Charentes fonctionnait plutôt selon une harmonie, un équilibre entre ses différentes villes, sans « grosse tête » et les autres, la Nouvelle-Aquitaine a imposé une culture de la compétition qui percute Poitiers et son agglomération.
2/ Poitiers est-elle Attractive ?
« Attractivité » = pensée en termes de quantité et de qualité. Très complémentaire de la compétitivité.
Avis exprimés :
Oui : Ville universitaire moyenne, où il fait bon vivre, avec la présence d’équipements de santé, culturels, sportifs, sans grandes difficultés de circulation, avec un équilibre entre la démographie et les biens publics, une répartition territoriale équilibrée… Renvoi à la « qualité de vie » et à la relation affective que chacun de nous a à la ville.
Mais : le risque de l’attractivité est de penser la croissance de la ville de façon exogène, en essayant d’attirer « la richesse qui vient d’ailleurs », au risque d’ignorer ou de renoncer à cultiver les richesses déjà présentes sur place. → compléter et équilibrer les ressources endogènes et exogènes est une priorité. Quels sont les indicateurs de fragilité des territoires ?
3/ Poitiers peut-elle être considérée comme une Métropole ?
Avis exprimés :
Non, Poitiers n’est pas une métropole, même avec les 40 communes qui constituent aujourd’hui Grand Poitiers ! On voit aujourd’hui les dégâts des grosses villes qui s’étendent (perte foncière, les centre villes – centres bourgs se vident de leurs commerces, des zones artisanales ou d’activité se développent partout…), la métropolisation est donc perçue comme négative. Peut-on espérer un mouvement de balancier et de « retour » vers les centre villes ? L’exemple des espaces commerciaux à Chasseneuil est choquant : on ouvre de nouveaux magasins alors que beaucoup sont fermés, qu’il existe des friches autour… Problème : on ne peut pas encore obliger les acteurs privés à requalifier une friche après que les enseignes soient parties. MAIS il est possible de mettre des outils en place à l’échelle d’une municipalité / d’une intercommunalité (à vérifier) > à mettre dans notre programme ?
Question de l’échelle à laquelle on se positionne. Repenser à une échelle plus locale, y-compris pour des motifs écologiques (à l’instar de ce qu’on peut faire pour l’alimentation, cf Plan Alimentaire Territorial). Il est aussi important de prendre en compte le choix individuel du type de ville dans lequel on veut vivre, plutôt que d’être dans une course à l’image. Il semble indispensable de repenser des territoires plus restreints en relation et inter-action les uns aux autres.
La métropolisation pose la question de la répartition équilibrée des compétences, projets, villes, à l’échelle de la Région. Pour l’attribution des fonds publics, il est important de prendre en compte les critères de fragilité des territoires (équilibrage, compensation).
4 / Poitiers est-elle Excellente ?
Excellence : « On est biberonnés à l’excellence depuis qu’on est petits, quel que soit le domaine, dès l’école ». « On a tous intérêt à aller vers l’excellence ! »
Avis exprimés :
Oui. Un secteur d’excellence pour Poitiers : un écosystème éducatif plein de potentiel. Plusieurs opérateurs nationaux (CNED, CANOPE, IHEFF) = ils ne sont pas obligés de s’articuler avec le territoire (ils sont dûs à une « compensation » qui avait été octroyée à Poitiers), mais la question est : « Comment on fait fructifier leur présence sur le territoire ? » ? + A articuler avec l’écosystème EdTech (COBALT, SPN…), les associations d’éducation populaire, les associations… > On a un terreau fertile à faire fructifier par une meilleure articulation entre les acteurs → réseaux d’acteurs.
Mais. Quels critères d’excellence ? Pourquoi ne pas parler d’excellence associative, d’excellence dans l’innovation sociale… qui s’applique bien à Poitiers. Ne pas rester dans le marketing territorial, avoir une exigence qualitative (maintien des solidarités, liens entre acteurs, …)
Que l’excellence soit un outil qui permette de répondre aux besoins des habitants (comme pour les autres lettres de la CAME, en réalité).
- Pour Poitiers Collectif : quels mots mettre sur un projet alternatif, alors que le langage courant parle de CAME ? Comment faire différemment que la CAME ? Ou alors comment utiliser ces mots à notre avantage pour mettre en place une transition vers un cadre différent ? L’important est de partir du besoin des habitants.
Après-midi
Maryse fait le CR des échanges du matin.
Réactions et intervention d’Olivier Bouba-Olga :
L’acronyme CAME est une question de marketing avant tout ! (et ça a marché ! 😉 ) C’est une critique de la façon dont tous les territoires pensent leur développement, Poitiers, comme les autres. C’est un discours qui date des 30 glorieuses, dans une logique de concurrence territoriale, qui s’est développé en parallèle de la libéralisation des échanges, de la mondialisation…
Aujourd’hui, on prend ces CAME comme des objectifs en soi, et on ne pense pas de façon différente. Or, il faut s’émanciper de ces termes, pour repenser des objectifs politiques neufs et à part entière.
« L’important, l’idée centrale, est de partir des besoins des habitants et usagers du territoire, et des ressources locales, plutôt que de mettre son énergie dans la recherche de chimères qui copient les métropoles ». Il faut repartir du besoin des habitants, et des usagers du territoire (sur Poitiers, il y a plein d’usagers qui n’en sont pas des habitants… ni des électeurs ! 😉 Mais ils pourraient le devenir, c’est une autre vision de l’attractivité ). La santé, l’éducation… C’est le point de départ. 1) Quels sont les besoins ? 2) Comment on y répond ?
Sur la question de la fragilité des territoires : résumer un territoire à sa fragilité revient à adopter le point de vue de celui qui s’en considère comme le « centre », fort, et conduit au risque de réduire le territoire dit « fragile » à sa supposée « fragilité ». Or, tout le monde, tous les territoires, ont des fragilités mais aussi des richesses ! « Aujourd’hui, le territoire le plus fragile de la Région, c’est Bordeaux ! La ville gagne des habitants, le prix de l’immobilier explose, il y a de la gentrification galopante… Comment on régule le marché du foncier, les problèmes de congestion de la circulation, à Bordeaux ? ». Ca change le regard, non ?
En réalité, les villes qui se pensent comme des métropoles deviennent prisonnières d’un schéma très enfermant : il « faut » un aéroport, des établissements d’excellence, des grandes entreprises…
Sur la question spécifique des services publics : la CAME appliquée au service public fait qu’on concentre, pour rationaliser les fonds, et que le service aux usagers n’est plus rendu. Grands hôpitaux, grands laboratoires universitaires… On ne part pas du besoin des usagers.
Quelle est la bonne échelle ? Ca dépend des problématiques, il n’y a pas UNE bonne échelle pour toutes les problématiques. La question à se poser : « quelle est l’échelle la plus pertinente, pour répondre à quelle problématique ? » Par exemple : les mobilités. Il y a des flux énormes entre EPCI dans la Vienne (Poitiers <-> Châtellerault notamment). Qui est le plus à même d’y répondre ? On ne peut pas obliger Châtellerault et Poitiers à coopérer, pourtant, elles auraient tout intérêt à le faire sur ce sujet. La même question se pose en termes d’acteurs ! Est-ce au politique, avec les finances publiques, de proposer des services répondant aux horaires des entreprises ? Ou aux entreprises elles-mêmes de prendre en charge leurs besoins ?
Deux visions s’opposent : Il faut changer le logiciel : Sortir de la logique de la compétitivité, pour aller vers une logique de « projets collaboratifs ». C’est applicable à plein de sujets !
Et ensuite : comment les collectivités, chacune à leur échelle, peuvent inciter à ça ?
La compétition entre les territoires, par exemple dans le cadre de la Région, s’applique plutôt à la ressource publique : les cadres, les moyens, les services déconcentrés de l’Etat… La question ne se pose pas pour les entreprises ! En fait, c’est la capacité des territoires à « se bouger » qui compte : les moyens publics doivent accompagner les territoires qui sont à l’initiative de projets, qui se bougent.
Poitiers ne se bouge pas. « On ne fait rien, mais c’est pas grave »… « La Belle Endormie », « ça vivote ».
Deux visions du développement s’opposent : développement exogène (= la richesse est à faire venir d’ailleurs) vs développement endogène (= regardons quelles sont nos ressources, nos compétences, qu’est-ce qu’il y a déjà de plus ici qu’ailleurs ?). Le développement exogène revient à la course à l’armement : « Si on ne joue pas, on perd. Mais si on joue, ça coûte extrêmement cher ! ». Par exemple, sur l’aéroport de Poitiers. C’est absurde ! Poitiers est très bien connecté au territoire français, même si, certes, ça prendrait un peu plus de temps d’aller à Lyon. Si on disait aux habitants ce que ça coûte, et ce qu’on pourrait faire avec cet argent public à la place de l’aéroport, nul doute que les habitants feraient un choix éclairé ! Le critère écologique est aussi à prendre en compte, mais aussi le critère social (les conditions de travail Ryanair…).
Il faut sortir des logiques d’ « attractivité » pour aller vers une logique d’ « ancrage ». Les gens qui viennent, ont-ils envie d’y rester ? On parle des habitants/usagers, qu’ils y soient nés ou non. C’est là-dessus que reposera l’envie des gens d’habiter dans le territoire, pas sur la chimère d’une lointaine attractivité.
A Poitiers, question du lien entre le territoire et l’Université est fondamental. C’est un potentiel inexploité ! Idem : comment penser la réponse aux besoins de la population étudiante ?