Intervention de Robert Rochaud en conseil communautaire

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Madame la Présidente, chers collègues

Lors du vote du budget Principal 2022 de la Communauté Urbaine de Grand Poitiers, j’étais intervenu pour vous faire part de mon inquiétude pour nos budgets futurs et des raisons de cette inquiétude.

J’avais notamment cité les annonces du président, candidat à sa réélection, de sa volonté de :

  • supprimer la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE)
  • réduire la dette publique des collectivités de 10 milliards d’Euros sur le prochain quinquennat
  • et remettre en place la contractualisation sur l’évolution des dépenses réelles des collectivités

Qu’en est-il 5 mois plus tard ?

Mon inquiétude s’est transformée en colère

Le Projet de Loi de Programmation des Finances Publiques (PLPFP) pour la durée du mandat et le Projet de Loi des Finances 2023 (PLF23), présentés cette semaine ont fait l’effet d’une douche froide pour les collectivités locales.

Après avoir cherché à rassurer les élus locaux en juillet 2022 par la voix de Christophe Béchu, Ministre des collectivités locales qui indiquait début juillet « il va de soi que l’idée de penser que l’on va faire dans ce quinquennat la même chose que ce que l’on a fait dans le précédent, avec un contrat de Cahors, des objectifs, etc., n’existe pas. Je le dis de manière très claire. »

C’est une toute autre orientation qui se met en place. Dans l’exposé des motifs de ce nouveau PLPFP, on peut lire sous la plume de Bruno Lemaire, Ministre de l’économie et des Finances, et de Gabriel Attal, Ministre des comptes publics que les Collectivités territoriales seront « associées à la modération des dépenses ». L’objectif : « agir sur la maîtrise de la progression de leurs dépenses réelles de fonctionnement qui devront évoluer à un rythme inférieur de 0,5 point au taux de l’inflation »

Sont prioritairement concernées, les collectivités dont le budget est supérieur à 40M€, donc Grand Poitiers. Pour celles qui ne respecteraient pas cette règle la première année, Gabriel Attal expliquait le 27 septembre qu’elles se verraient privée « d’accès à toute dotation de l’état, Dsil, DETR, fonds vert… ».

Le gouvernement va jusqu’à prévoir une forme de mise sous tutelle des collectivités.

Si des collectivités persistaient le préfet procéderait à une « analyse des structures de la dépense de fonctionnement… puis un travail pour un retour à une trajectoire financière de maîtrise des dépenses de fonctionnement »

L’AMF a calculé les économies réalisées par les collectivités en application de ces mesures :  1 milliard d’euros en 2023, 2 en 2024, 3 en 2025, 4 en 2026 et 6 en 2027 soit 17 milliards d’euros eu total, soit 7 milliards d’euros de plus que « l’effort financier » prévu par Emmanuel Macron qui n’existe plus puisqu’il a été remplacé par quelque chose de pire

Parmi les autres mesures, le PLF23 propose la disparition de la CVAE sur 2 années. Pour notre EPCI, ce sont environ 12M€ qui disparaitront.

Certains vont nous dire Grand Poitiers ne perdra rien puisque l’Etat va compenser à l’euro près. Certes, il n’empêche que cette suppression après celle de la taxe d’habitation dans le mandat précédent nous prive encore un peu plus de moyens d’action pour la gestion de notre collectivité

Je ne reviens pas sur l’argument utilisé par le gouvernement pour justifier cette suppression : la diminution des impôts de production.

Cet argument est contesté par toutes les collectivités territoriales mais aussi par bon nombre d’économistes et d’analystes financiers. A ce sujet je vous invite à lire l’analyse d’Eric Julla, Directeur Général de Ressources Consultants Finances parue dans la Gazettes des communes.

La suppression de la CVAE, dernier impôt économique qui permet de faire contribuer les entreprises aux infrastructures et aux services publics locaux dont elles et leurs salariés bénéficient sur le territoire de l’EPCI répond donc plus à une motivation idéologique qu’à une recherche d’une réelle efficacité économique

En ce qui concerne la DGF la demande des collectivités d’augmenter la dotation globale de fonctionnement en réponse à l’inflation n’a pas été entendu.

Enfin si le ministre des comptes publics Gabriel Attal « précise bien que le PLF23 prévoit comme chaque année, la revalorisation des bases de la fiscalité locale avec l’inflation de l’année précédente ».

Ce qu’il ajoute n’est pas de nature à me rassurer : « c’est la règle légale…. L’ensemble des associations d’élus nous ont demandé de ne pas revenir sur ce principe-là. Nous l’avons entendu ».

Cependant au parlement, « le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve, et au sein de l’opposition, notamment le député Charles de Courson, s’interrogent sur l’application stricte de ce principe et sur la possibilité de mettre en place une forme de bouclier qui protégerait les propriétaires ».

Cette phrase me fait craindre un amendement parlementaire adopté avec l’accord du gouvernement qui remettrait en cause cette évolution.

Par ces projets nous assistons à une véritable remise en cause de la liberté de gestion des collectivités territoriales :

  • qui se traduit à la fois sur les dépenses, en donnant des objectifs contraignants sur l’évolution des dépenses de fonctionnement, sous menace d’une véritable mise sous tutelle de la préfecture (et on voit qu’on a parfois des préfets qui ne demandent que ça), alors même que l’évolution des dépenses énergétiques et l’augmentation légitime des salaires nous pousse déjà à des choix très difficiles sur l’ensemble des autres dépenses : nous n’avons pas besoin que l’Etat nous donne des leçons, alors qu’il n’a lui-même pas l’obligation de présenter un budget à l’équilibre,
  • et sur les recettes, en supprimant une à une toutes les ressources propres : avec la suppression du dernier impôt économique, et avec la menace non assumée d’un plafonnement de la TF malgré l’inflation.

C’est ainsi à une véritable remise en cause des services publics que nous assistons alors que ceux-ci sont indispensables pour réduire les inégalités.

J’appelle donc l’ensemble les élus des partis politiques qui ont des représentants à l’Assemblée Nationale et au Sénat à remettre en cause ces orientations.