Décarbonation des transports en commun : la difficile équation pour les collectivités

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Lors des Rencontres Nationales du Transport Public organisées par le GART (Groupement des Autorités Responsables des Transports) et l’UTP (Union des Transports Public) à Clermont-Ferrand du 17 au 19 octobre 2023, une table ronde intitulée « Transition Énergétique : et si le tout électrique n’était pas la seule solution ? » a été organisée, et Frankie Angebault, en tant que Vice-Président  Mobilités de Grand Poitiers (et administrateur au GART), y représentait les AOM (Autorités Organisatrices des Mobilités).

(Photo : UTP)

Voici l’essentiel du message qu’il a pu y exprimer :

Tout d’abord, avant même de parler de transition énergétique, le rôle des collectivités en matière de transports est bien de proposer des solutions alternatives à la voiture individuelle car c’est un levier essentiel de décarbonation de nos mobilités.

Et pour répondre à cet enjeu du report modal, il est impératif d’augmenter l’offre de transports en commun, ce qui est un vrai défi pour la plupart des collectivités qui sont limitées par les disponibilités financières de leurs budgets mobilités.

À ce défi du report modal, s’ajoute celui de la décarbonation des transports en commun et la plupart des collectivités ont déjà entamé cette mutation avec différentes technologies : le bioGNV (*),  l’électricité (sur batteries) et plus récemment l’hydrogène (qui est un autre vecteur pour valoriser l’énergie électrique).

Ces trois solutions techniques sont particulièrement efficaces en matière de décarbonation comme le montre les analyses de cycle de vie réalisées par Carbone 4.

Or la réglementation va très probablement évoluer très prochainement dans le cadre du règlement CO2 européen qui va contraindre dans les années à venir les collectivités à acquérir uniquement des bus alimentés à l’énergie électrique (sur batterie ou via le vecteur hydrogène).

Le GART et l’UTP s’étaient ému de cette future contrainte en juin dernier dans un courrier à l’attention d’Elisabeth Borne :

Un léger assouplissement sur ce sujet semble en bonne voie au niveau européen suite à ces différentes remontées de terrain : cet assouplissement autoriserait à partir de 2030, de pouvoir encore acquérir 15% de bus bioGNV (et 85% de bus électriques / hydrogène).

Malgré cet assouplissement, le basculement vers l’électrique semble donc inéluctable et comporte un grand nombre de risques détaillés ci-après :

  • Premièrement, pour les réseaux actuellement au bioGNV (ce qui est le cas de Grand Poitiers) il va falloir réaliser de nouveaux investissements (dépôts de bus, système d’alimentation énergétique, …) pour être prêts à accueillir des bus électriques/hydrogène à partir de 2030, et ce, sans avoir complètement amorti les stations de compression GNV(*).

Ces investissements pèseront forcément sur les budgets mobilités des collectivités et vont certainement freiner l’augmentation de l’offre si nécessaire et tellement attendue par les habitant·e·s.

  • Ensuite, avec ces perspectives, les constructeurs risquent de se désengager du GNV, avant même 2030 : il sera plus compliqué d’acquérir des bus GNV ou de faire appel au service après-vente auprès des constructeurs : ceci entraînera sans doute une diminution de la durée de vie de ces bus et donc des contraintes financières supplémentaires pour les AOM.
  • La diminution à terme de consommation de gaz pour les mobilités peut mettre en difficulté la filière de production de biogaz (par des unités de méthanisation(*)). En effet, beaucoup de méthaniseurs injectent leur biométhane(*) sur le réseau de distribution de gaz.

Or, les capacités d’injection sur le réseau de distribution sont directement liées aux consommations de gaz sur ce réseau en période « creuse » estivale et les mobilités sont un vrai talon de consommation sur cette période pour asseoir des capacités d’injection.

Ainsi, l’arrêt futur du bioGNV peut avoir deux impacts directs :

– baisse des capacités d’injection sur les réseaux de distribution et donc moins de potentiel de développement de nouveaux projets méthanisation,

– mise en difficulté des unités déjà en fonctionnement si la baisse des consommations oblige les producteurs de biogaz à diminuer leur production.

  • Enfin, l’électricité sur batterie et l’hydrogène, restent des énergies électriques : la question de l’approvisionnement en énergie sera cruciale car mettre « tous ses œufs dans le même panier » rendra encore plus critiques et moins résilients les systèmes de transport.

En résumé, au vu de toutes ces contraintes évoquées ci-dessus, il sera indispensable que les collectivités soient accompagnées financièrement pour opérer cette nouvelle transition imposée, en continuant à améliorer en parallèle l’offre tant attendue par nos concitoyen·ne·s!

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(*) quelques définitions pour mieux comprendre les distinctions entre biogaz/ biométhane/bioGNV

Le biogaz est produit par digestion (par des bactéries dans une enceinte chauffée -que l’on appelle méthaniseur- et sans présence d’air) de matières organiques (déjections animales, résidus de cultures, boues de stations d’épuration, bio déchets des ménages, des restaurants ou des industries agro-alimentaires…)  : ce gaz est composé d’environ 60% de méthane et est donc une source d’énergie considérée comme décarbonée et renouvelable.

Ce biogaz, pour être injecté dans les réseaux de distribution ou de transports du gaz, doit être épuré pour avoir un gaz à environ 99% de méthane : une fois épuré, on l’appelle biométhane.

Le gaz naturel peut être utilisé comme carburant pour faire fonctionner des véhicules (voitures, bus, camions, …) : on parle alors de GNV (Gaz Naturel Véhicule).

Et quand ce GNV est utilisé à partir d’une ressource renouvelable (biométhane), on parle alors de bioGNV.