Compte-rendu – Table ronde « Poitiers, ville éducatrice ? »

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Groupe Éducation & Université

18 juin 2019 – Centre de Beaulieu.

 

Présentation de la démarche
Présentation des intervenants & animation de la table ronde par Charles Reverchon-Billot.

Léa Guillard, études en action sociale, Chargée de conseil et développement à la CAF de Poitiers, après avoir travaillé à la Maison de la Gibauderie
Jacques Brouleau, carrière de Professeur des Ecoles puis Maître-Formateur et conseiller pédagogique départemental en EPS à la DSDEN86, référent départemental de la réforme des rythmes scolaires.
Thierry Moutin, Animateur de quartier à Issy-les-Moulineaux puis Directeur de l’association Sève (Maison de quartier de Saint-Eloi)

Temps d’animation en introduction : en 3 mots, qu’est-ce ce que devrait être/ne pas être une ville éducatrice ?

Ce que devrait être : diversité, adaptée, partage, partenariat, innovation, expérimentation, mixité sociale (crèches, activités périscolaires… ; attention à la carte scolaire), coordination entre les parties prenantes (y compris hors éducation), éducation populaire (loisirs, temps libre, diversité des méthodes éducatives), etc.

Ce que ne devrait pas être : uniformisée, clivante, élitiste, cloisonnement entre les différents niveaux d’éducation, pilotage trop vertical, descendant, injonctif, trop numérique, écoles fermées, etc.

Lecture d’un extrait de la Charte de ville éducatrice (Poitiers adhérente du réseau des villes éducatrices)

Aujourd’hui plus que jamais, les villes petites ou grandes, disposent d’innombrables possibilités éducatrices, mais peuvent être également soumises à des forces et à des inerties contréducatrices. D’une manière ou d’une autre, la ville offre d’importants éléments de formation intégrale : il s’agit d’un système complexe en même temps que d’un agent éducatif permanent, plural et polyédrique, capable de contrer les facteurs contréducatifs.

La ville éducatrice a sa propre personnalité, intégrée au pays dans lequel elle se trouve. Son identité est, par conséquent, interdépendante de celle du territoire dont elle fait partie. Il s’agit également d’une ville qui agit en rapport avec son environnement proche, d’autres centres urbains de son territoire et des villes d’autres pays. Son objectif permanent sera d’apprendre, d’échanger, de partager et, par conséquent, d’enrichir la vie de ses habitants.

La ville éducatrice doit exercer et développer cette fonction parallèlement à ses fonctions traditionnelles (économique, sociale, politique et de services aux usagers) avec un regard attentif à la formation, à la promotion et au développement de tous ses habitants. Elle devra s’occuper prioritairement des enfants et des jeunes, mais également avoir la volonté affichée de proposer aux personnes de tous les âges une formation tout au long de la vie.

Pour vous, qu’est-ce qu’une ville éducatrice ? Parole aux intervenants !

Jacques Brouleau : Il faut considérer l’enfant comme un enfant, en tenant compte autant que faire se peut de son rythme de vie, c’est la base. Il faut encore développer les parcours éducatifs citoyens, de prévention et de santé, artistiques et culturels, en faisant en sorte de les associer plus à la place accordée au sport actuellement.
Il est crucial de renforcer les liens, la complémentarité entre l’enseignement de l’EPS à l’école et la place du sport dans l’éducation au sens large, dans la ville
Pour qu’une ville soit véritablement éducatrice, il faut qu’elle s’adresse aux quartiers prioritaires mais également à tous ses autres quartiers ou territoires.
Renforcer les alliances éducatives, entre différents types de professionnels/partenaires hors éducation.

Léa Guillard : Pur produit du système éducatif poitevin. Aimerait que tout le monde ait la même chance d’accéder à des ressources éducatives de qualité à éduquer, c’est donner l’autonomie de faire ses choix. Rapport du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge : 32% du temps d’un enfant = école, 30% = temps famille et 25% = lieux-tiers. Une municipalité peut agir sur ces lieux tiers (culture/loisirs) qui sont les plus inégalitaires en fonction du milieu social (fréquentation des médiathèques, inscription au conservatoire, etc.). La sensibilisation plus ou moins vis-à-vis du rapport au numérique renforce ces inégalités (temps d’exposition aux écrans non accompagné). L’accompagnement à la parentalité (dans un contexte d’augmentation de la part des familles monoparentales) est également un levier à activer par une ville.

Thierry Moutin : éduquer = « guider hors de » / apprentissage des facultés intellectuelles, physiques et morales des personnes ; « il faut un village pour éduquer un enfant », avec une coordination entre les acteurs qui se doivent de porter un même message à garantir une cohérence éducative en organisant des temps où les gens peuvent se rencontrer et se former en tant que citoyen (sans que ce soit une injonction). Il faut capitaliser sur des pédagogies dites alternatives ou nouvelles (type Montessori) pour donner aux jeunes la possibilité d’être acteur de son éducation et se révéler dans des apprentissages adaptés. Réfléchir à l’articulation des temps scolaires/non-scolaires, pour faire en sorte que ce qui est fait à l’école puisse résonner dans les activités extrascolaires.

Quelles actions mettez-vous en place dans votre structure, dans le sens d’une ville éducatrice ?

Thierry Moutin : Seve est impliqué dans le pilotage d’activités classiques telles que l’animation des accueils de loisir, crèches, activités périscolaires et accompagnement aux devoirs. On développe la thématique du droit des enfants : animation d’expositions, intervention dans les écoles autour du genre, des émotions. Être ville éducatrice, c’est également accompagner les habitants dans la citoyenneté pour éviter/accompagner les conflits de voisinage.

Jacques Brouleau : L’Éducation Nationale, à travers les politiques menées au sein du Rectorat et des DSDEN, ont l’avantage d’avoir beaucoup de relations avec les acteurs éducatifs de terrain.
L’enchainement des évolutions de la réforme des rythmes scolaires depuis 2013 et des changements de programmes, ont  freiné la réflexion qui aurait dû être en permanence de mise sur le rythme de l’enfant.
Depuis 2013, dans un contexte où Poitiers a choisi de maintenir l’école le mercredi matin, on a observé une réelle croissance des activités périscolaires, permise par une concertation et une mobilisation du tissu local, en sortant de la méfiance entre équipes pédagogiques et équipes périscolaires.
Un jeune enseignant, aujourd’hui ne peut plus s’intéresser au seul temps scolaire : 9h-12h/13h30-16h, il doit s’interroger sur les temps péri et extra-scolaire.
Il faut encourager les dynamiques de formations plurielles afin d’éviter les cloisonnements dans lesquels chacun des acteurs pourraient s’enfermer.

Léa Guillard : La CAF est souvent considérée comme un géant financier et un nain politique. Champs d’action : centres sociaux conventionnés avec un contrat de projet, en veillant à la mobilisation des familles, maillage de référents famille qui peuvent être de vrais relais pour assurer des médiations entre les écoles et les familles, contrat local d’accompagnement à la scolarité (CLAS) pour permettre des temps de pédagogie détournée, etc. Les temps de matin, du midi et du soir sont déclarés en tant que d’accueil périscolaire, ce qui est censé garantir une continuité scolaire dans la journée de l’enfant. La CAF a longtemps financé les crèches, RAM, etc. sans être suffisamment impliquée dans les projets éducatifs à ça a beaucoup changé et nous sommes de plus en plus attentifs sur les projets portés par les structures (exemple : appel à projets jeunes).

Echanges avec la salle :

Quel rôle entre la CAF et la ville ?  Convention territoriale globale en 2020 qui permettra à la CAF de ne plus être la nain politique qu’on l’accuse d’être à élaboration d’un plan d’actions en concertation avec la ville, un vrai travail de concertation entre les maisons de quartier et les financeurs, et évaluation collective des actions menées (ce qui n’est pas le cas sur tous les territoires). Actions concertées comme le soutien aux Petits Débrouillards pour faire du lien entre l’Université et les quartiers « politique de la ville »

Le principe d’« accompagnement à la parentalité » peut déranger. Les structures éducatives n’ont pas nécessairement vocation à former les parents, il faut laisser de la liberté à la cellule familiale. Terme peut-être maladroit mais c’est important que des acteurs comme la CAF financent des actions qui permettent ce travail.

La place des pédagogies alternatives dans l’Education nationale, qu’en est-il ? Contexte de liberté pédagogique pour faire passer les contenus qui sont pensés à l’échelle nationale à chaque enseignant est libre a priori d’enseigner de la façon qu’il entend. Les enseignants gagnent trois francs si sous et ce qu’on retient, c’est qu’ils ont trop de vacances. La profession a globalement développé une méfiance vis-à-vis de l’institution nationale et des parents. L’école, c’est « Français-Maths », comment donner de la place à d’autres pratiques ? Les jeunes enseignants sont noyés sous les injonctions et ne sont pas toujours équipés sur les relations avec les élèves et les parents.

Comment articuler jeunesse et numérique ? Comment ramener les jeunes dans les structures jeunes sachant qu’ils interagissent sans interruption sur les réseaux sociaux.

Les maisons de quartier doivent-elles toucher tout le monde et si oui, comment faire pour aller chercher ceux qui ne fréquentent pas ces lieux ?

Sur tous ces sujets, quel lien peut-on faire avec l’Université (qui est une ressource sous-exploitée, cf. table-ronde précédente) ? Légèrement mobilisé sur l’aide au devoir, mais assez peu exploité en effet !

Offre locale dense (« sortir à Poitiers ») à La gratuité n’est pas un levier certain d’accès aux activités extrascolaires (mixité insuffisante dans la fréquentation des réseaux de ludothèques/médiathèques, des spectacles/animations gratuits, etc.) ; quels autres leviers ? accès à l’information/mobilité dans la ville/censure

Brainstorming sur les propositions

[Garder en tête que les municipalités ne sont pas compétentes pour travailler sur les programmes de l’Education nationale]

Repenser la carte scolaire à condition d’accompagner les équipes pour tirer profit de la mixité ; penser l’aménagement des cours de récréation ; se doter de classes flexibles, avec des temps en position debout voire en circulation ; travailler sur l’inclusion ; décloisonner les temps dédiés aux différents âges (exemple de crèches/EPHAD co-localisés) ; outil du livret de compétences pour penser l’articulation scolaire/extrascolaire ; penser l’enfant comme acteur plutôt qu’objet = les enfants pourraient être davantage écoutés/associés.