Samira Barro Konaté :
Je suis une femme, noire, issue d’un milieu populaire. Certains diraient qu’il s’agit d’un cumul d’handicap au sein de la société actuelle car la Femme Noire a été et, est encore trop souvent reléguée au second plan. En raison des stéréotypes qui ont « la peau dure », on nous prépare dès notre plus jeune âge, à travailler deux fois plus, pour obtenir moins qu’un homme, et moins qu’une personne blanche. On évolue dans un climat qui nous est doublement défavorable, en raison de notre sexe, et de notre couleur de peau. D’ailleurs les luttes afro-féministes ont souvent été noyées dans les luttes antiracistes, alors qu’elles méritent une place au sein du mouvement féministe.
A noter que ces luttes Afro-féministes se sont distinguées pendant longtemps des luttes féministes menées par des Femmes blanches du fait que les problématiques diffèrent à certaines échelles. En effet, la Femme Blanche souvent perçue comme privilégiée, apparaît comme incapable de répondre aux doubles-combats menés par les Afro-féministes, provoquant à la fois un isolement et un entre-soi au sein du mouvement féministe.
Ce qui fait écho avec les luttes antiracistes actuelles. Les évènements récents ont mis en lumière un problème fondamental : le racisme systémique. Certains pensent et disent qu’il ne s’agit que d’une légende, et pourtant face à l’abondance de témoignages, on ne peut plus nier. En tant que personne Noire, longtemps nous nous sommes sentis seuls dans notre combat, en ayant cette impression, d’un éternel recommencement. Les mêmes actes de violence, les mêmes réflexions, le même manque de considération, les mêmes préjugés, qui se répètent inlassablement et qui ont un caractère tristement banal.
Et pourtant, les temps actuels respirent l’espoir. Cet espoir passe par la mutualisation des forces communes, que cela soit dans le mouvement féministe ou dans les luttes contre le racisme. Voir dans les rassemblements du monde entier, des Femmes, des Hommes, des Noir/es, des Blanc/hes, m’ont fait ressentir un sentiment de victoire, celle de l’unité et surtout, celle de la solidarité de toutes les communautés. Et il s’agit là, d’un pas de géant. Dorénavant nous ne sommes plus seul/es ! Le racisme et le sexisme n’ont plus leurs places dans nos sociétés.
Les luttes n’ont pas de couleurs, les luttes n’ont pas de sexe !
Alexandra Duval :
Je suis une femme, blanche et militante féministe intersectionelle.
Depuis quelques mois, des luttes essentielles sont sur le devant de la scène. Des luttes écologistes, sociales, féministes et enfin les luttes anti racistes, mobilisées notamment aujourd’hui contre les violences policières.
Aujourd’hui nous entendons enfin la voix de celles et ceux que nous n’entendons jamais, sauf quand il s’agit d’illustrer des faits divers.
En tant que féministe convaincue par l’intersectionnalité, je me passionne pour ces luttes.
Et en lisant énormément de choses sur les réseaux sociaux et les sites dédiés, je suis perplexe devant certaines réactions.
Je lis beaucoup de réactions hostiles disant que tout ça est exagéré, que les blancs aussi subissent le racisme et qu’on ne peut pas s’excuser d’être blanc.he.
Alors une chose est certaine, c’est que personne ne demande à personne de s’excuser de sa couleur de peau (d’ailleurs celles qui refusent publiquement de s’excuser d’être blanches sont celles qui demandaient aux musulman.es il y a peu de se désolidariser des terroristes. Bref).
Ce qui nous est demandé, c’est de ne plus nier le caractère systémique des violences subies. C’est-à-dire qu’il s’agit de violences produites par la société et son organisation. Cela ne veut donc pas dire que TOI tu es raciste ou sexiste, ou que TON comportement est raciste ou sexiste, mais que la société dans sa façon d’être gérée et organisée empêche certaines personnes en raison de leur couleur de peau ou leur genre, de se sentir en sécurité et pleinement considérées dans leur environnement de vie. Et surtout que cette violence est intégrée, et donc minimisée, par toutes et tous.
Je suis une femme. Je suis blanche. J’ai ce privilège. Et ce n’est pas se renier ou s’excuser que de reconnaitre avoir des privilèges.
C’est d’ailleurs également ce que les féministes demandent aux hommes. De reconnaitre leurs privilèges et de ne pas décrédibiliser nos luttes en se plaignant de ce que le féminisme leur fait comme mal alors même « qu’ils font la vaisselle le week-end donc ne sont pas sexistes » (ce qui a amené la création du hashtag moqueur « not all men »).
Pour le racisme et le sexisme c’est le même procédé. On ne demande à personne de se flageller mais bien de s’interroger, d’écouter les personnes concernées, d’accepter de ne pas tout savoir, de déconstruire ses certitudes et d’adapter son attitude.
C’est ce qu’on appelle être un.e allié.e.
Je me revendique pleinement militante féministe et alliée de la lutte antiraciste. C’est cela qu’on appelle l’intersectionnalité. Le fait que des personnes subissent simultanément plusieurs formes de domination et de discrimination : le sexisme, le racisme, le classisme (discrimination selon la classe sociale), les discriminations selon sa sexualité, …
Parce qu’aujourd’hui la lutte ne doit plus s’envisager sans l’autre ! Elle est antiraciste, féministe, antiLGBTIphobe, sociale et écologiste !
Et cette défense des droits doit être au fondement même de notre projet politique !
Pour mieux comprendre cette question du privilège blanc, voilà un podcast très intéressant :
https://www.binge.audio/check-tes-privileges-blancs/
Et plus largement les podcasts féministes comme La Poudre ou Les couilles sur la table sont des trésors de déconstruction.