La COP départementale de la Vienne, qui s’est ouverte il y a quelques jours, est claire : nous devons engager en 7 ans plus d’efforts que sur l’ensemble des trente dernières années pour être à la hauteur des enjeux du changement climatique. La déclaration dimanche du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, nous pousse à nous demander si le gouvernement est bien conscient de cette réalité. Il annonce en effet 10 milliards d’euros d’économies, pour partie faites sur la transition écologique. Une intervention qui intervient après d’autres renoncements environnementaux, annoncés il y a peu dans l’espoir de mettre fin à la crise du monde agricole.
La dernière étude de l’institut de l’économie pour le climat (I4CE) pointe un déficit d’investissement substantiel pour le climat au niveau européen. Mais déjà en 2022, l’I4CE publiait un rapport sur les besoins en investissement pour les collectivités locales, dans le but d’atteindre la neutralité carbone. Iels indiquent que les besoins en investissement portent sur
- La mobilité (67% des besoins), dont en particulier les aménagements cyclables (3, 3 Mds €/an) et le financement du ferroviaire et des transports en commun (3 Mds €/an) ;
- La rénovation énergétique des bâtiments publics (2,7 Mds €/an) ;
- L’efficacité énergétique de l’éclairage public et les réseaux de chaleur urbain (1,1 Md €/an).
A cela il faut ajouter des besoin en ingénierie qui nécessitent l’embauche de 25 000 agents supplémentaires, soit envrion 1,5 milliards d’euros de masse salariale chaque année.
Tout au long de son intervention, Bruno Le Maire a répété que les économies seraient supportées par l’Etat uniquement, pas par les citoyen.nes, pas par les collectivités locales. On ne s’étendra pas sur le fait que l’Etat n’existe pas dans un vide théorique, et que quand l’Etat se serre la ceinture ce sont les services publics et les citoyens qui payent, in fine, la facture d’une façon ou d’une autre. En revanche on va s’attarder un peu sur les collectivités locales.
La réalité va encore donner tort à un membre du gouvernement puisque parmi ces économies il y a bel bien une baisse de 400 millions d’euros du fond vert d’aide aux collectivités territoriales. Ce fond annoncé en 2022 et effectif depuis 2023 est destiné à financer des projets des collectivités et de leurs partenaires dans les domaines de la performance environnementale, de l’adaptation du territoire au changement climatique et de l’amélioration du cadre de vie. Ainsi, à Poitiers et Grand Poitiers, le fond vert finance en partie le projet de la nécessaire renaturation de la Boivre. Une aide qui porte donc directement sur les trois secteurs pointés par l’I4CE.
Avec, la suppression de la taxe d’habitation, ou encore la fin de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) (retrouvez l’intervention de Robert Rochaud à ce sujet). Tout au long de ces deux mandats Emmanuel Macron n’a eu de cesse de raboter les budgets des collectivités territoriales. Cela se fait au détriment de leur action publique et de leur indépendance. Il nous faudra donc redoubler de créativité pour pouvoir mener à bien les politiques qui nous permettront d’atteindre nos objectifs. A l’automne dernier déjà nous évoquions les difficultés auxquelles les collectivités comme Grand Poitiers pouvaient faire face sur les questions de mobilité. Comment allier augmentation de l’offre de transport en commun et décarbonation de cette offre, cela avec un budget (de plus en plus) limité ?
Autre poste important d’économie, lui aussi considéré comme primordial par l’I4CE : la rénovation des bâtiments. 1 milliard d’euros en moins pour le dispositif MaPrimeRénov’, c’est aussi une catastrophe. A la présentation du Projet de loi de finances 2024, en fin d’année dernière, le gouvernement avait annoncé vouloir renforcer ce dispositif avec 1,6 milliards d’euros supplémentaires, finalement c’est 900 millions d’euros qui ont été votés. Et maintenant c’est une baisse d’1 milliard d’euros qui est prévue. C’est donc bien une perte sèche pour ce budget voté il y a à peine 2 mois. Pourquoi c’est une catastrophe ? Le bâtiment est le deuxième secteur le plus émetteur de GES. Outre cela, ce sont 12 millions de nos concitoyens qui vivent actuellement en situation de précarité énergétique. Sans cette aide (même imparfaite actuellement), comment peuvent-iels espérer une amélioration de leur confort et de leur situation financière ? Enfin, soutenu efficacement, le secteur de la rénovation des bâtiments pourrait être un véritable levier de croissance économique et de création d’emplois dans les territoires !
Ca ne l’est plus peut-être pour le gouvernement, mais pour nous ce sujet reste une priorité. Poitiers et Grand Poitiers, continueront à lutter contre la précarité énergétique comme nous vous l’expliquions dans cet article : Poitiers et Grand Poitiers s’engagent contre la précarité énergétique ! – Poitiers Collectif
Si monsieur Le Maire manque d’idée pour réaliser des économies (ou trouver des sources pour alimenter les finances publiques), nous avons quelques suggestions. Par exemple mettre fin au Service National Universel, dont la généralisation devrait coûter à l’Etat plus de deux milliards d’euros2. Ou bien en finir avec l’exemption de taxation du kérozène (un manque à gagner de 7 milliards d’euros). Ou encore toucher aux profits records de Total (20 milliards en 2023, et des dividendes qui augmentent de 7% pour ses actionnaires). Sans doute n’y a-t-il pas d’argent magique, mais pour l’argent qui est là, il semblerait que nous n’ayons pas la même vision des priorités que le gouvernement.
S’adapter au changement climatique, le groupe Poitiers Collectif mais aussi l’association du même nom y réfléchissent continuellement, peut-être monsieur Le Maire devrait-il participer à une de nos plénières ?