Compte-rendu – Comment accompagner les femmes en situation de précarité ?

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groupe de personnes pendant la réunion

Première table ronde du groupe Solidarités !

CYCLE 1 : 9 mai au Moulin de Chasseigne

Intervenants :

  • Mme Catherine Coutelle, ancienne députée socialiste de la Vienne de 2012 à 2017 et militante pour les droits des femmes et l’égalité des chances hommes-femmes.
  • Mme Geneviève Humeau, militante pour les droits des femmes, impliquée dans le collectif du 8 mars et du collectif des habitants de Beaulieu.
  • Mmes Françoise Petit et Nicette du Planning Familial, mouvement féministe et d’éducation populaire qui défend le droit à la contraception, à l’avortement et à l’éducation à la sexualité. Il dénonce et combat toutes les formes de violences, de discriminations et d’inégalités sociales en offrant un espace d’écoute et d’échanges pour les femmes.
  • M. France Joubert de France Active, président du Conseil d’administration de l’association France Active Poitou Charente. Avec un réseau d’acteurs, accompagne les personnes en précarité et les structures d’utilité sociale dans la réalisation de leurs projets et la consolidation des emplois.

Pourquoi cette table ronde ?

Un brainstorming au sein du groupe a permis de dégager des pistes de réflexions autour de la question large des solidarités à Poitiers, et a donné naissance à de nombreux échanges et discussions dont s’est dégagé une première thématique forte autour des notions d’égalité femme-homme et du sexisme. Au travers des rencontres faites par les membres du groupe auprès d’un personnel d’une crèche, de Médecins du Monde, du Planning Familial, de l’Éveil, nous avons souhaité aller plus loin en organisant un temps d’échanges avec des acteurs associatifs ou militants sur la question de l’accompagnement des femmes en précarité sur le territoire. De quel public parle-t-on ? Comment se traduit la précarité ? Quels programmes et actions y répondent ? Ceux sont les premières questions qui ont construit cette table ronde. Enfin, dans le cadre de notre programme Poitiers Collectif, nous avons saisi l’occasion pour interroger nos intervenants sur le rôle que peut jouer la municipalité dans l’accompagnement de ces femmes.


Animation : Présentation par Julie, facilitatrice du groupe, Léonore, Didier et Céline de la démarche Poitiers Collectif.

Objectif de notre table ronde : valoriser les actions existantes sur le territoire en invitant des acteurs de terrains et identifier les besoins à faire émerger auprès d’une municipalité en 2 temps (9 et 16 mai).

Déroulement : 3 questions posées aux invités afin de cerner le public touché sur cette question, connaître les projets existants et identifier des leviers à mettre en œuvre.

1. Quelles sont les femmes en situation de précarité ? Quels profils ? État des lieux du public touché par les structures.

Catherine Coutelle

Quelques chiffres nationaux : 70 % des travailleurs pauvres sont des femmes, 4.700.000 femmes touchent moins de 900 euros par mois, 33 % sont en situation de famille monoparentale, 62 % occupent des emplois non qualifiés, 31 % des temps partiels sont subis même si demandés, 82 % des temps partiels sont occupés par des femmes.

Conséquences liées à cette précarité au travail :

  • Différence au niveau des retraites (29% différence entre hommes et femmes/9% au même poste/seulement 19 % à temps plein)
  • Inégalité face à la santé (on observe une stabilisation des accidents du travail chez les hommes et une augmentation chez les femmes en lien direct avec les postes occupés, les femmes sont plus touchées par les TMS), la santé devient également un poste d’économie pour elles-mêmes, la priorité allant aux enfants
  • La baisse du niveau de vie après un divorce est plus importante chez les femmes (- 3 % pour les hommes et -20% pour les femmes)

Il existe 3 catégories de femmes précaires dont on « s’occupe » moins : les femmes SDF (6000 sont recensées en France), les femmes migrantes (en 2015 : reconnaissance de discriminations liées au genre dans le droit d’asile), les femmes prostituées (sur Poitiers, le CIDFF est l’association référente du « parcours de sortie »)

 

Planning Familial

Les militantes de cette association rencontrent :

  • Des jeunes femmes et jeunes garçons à la recherche d’un espace de parole et d’information autour de questions de sexualité et de contraception
  • Un public majoritairement féminin dont un nombre important est en grande précarité (pas de travail, femmes seules, femmes victimes de violence…)
  • Des femmes qui souhaitent avorter hors délai de 12 semaines (relais vers des personnes ressources pour des adresses à l’étranger),
  • Beaucoup de femmes qui ne se soignent pas (constat fait que le nombre de personnes sans mutuelle est en augmentation),
  • Des jeunes en établissements scolaires, en foyers, …via des interventions collectives d’où ressortent également des situations de grande précarité (enfants qui ne vont pas chez le médecin, qui vivent dans un contexte familial conflictuel lié souvent à la précarité vécue par les adultes…)
  • Des professionnels de la santé et du secteur social via une formation de 6 jours
  • En date du 5 mai 2019, 52 femmes en France sont mortes sous les coups de leur conjoint ou de leur ex-conjoint depuis le 1er janvier 2019…

 

Geneviève Humeau

 

  • Fait partie du collectif du 8 mars, et du collectif des habitants de Beaulieu (habitants précaires)
  • « La précarité est à la porte de chez soi », elle peut surgir à tout moment suite à un accident de la vie. Les agressions, par exemple, peuvent entraîner une précarité (démission, licenciement suite à un viol car cette agression va entraîner une dégradation de la vie personnelle). Porter plainte reste difficile, sur 84.000 viols par an seulement 10 % des femmes victimes poursuivent leur plainte), celles-ci ne sont pas engagées à porter plainte
  • Selon les constats de Geneviève, ce phénomène est difficilement repérable auprès de personnes adultes et plus âgées, car celles-ci sont isolées et « cachent » leur situation contrairement aux plus jeunes qui fréquentent des Centres sociaux/maisons de quartier où il est possible pour les professionnels les entourant de repérer certaines difficultés vécues.

 

France Joubert

 

  • Il a travaillé sur le travail précaire, qui entraîne un isolement et est peu pris en compte par les syndicats
  • A fait le constat que lorsque les systèmes se robotisent, les hommes sont moins impactés par la perte d’emploi car ce sont les femmes qui sont positionnées sur les travaux les plus répétitifs et qui sont donc remplacées par les machines
  • Travaille sur l’emploi et l’accès à la finance du projet professionnel des personnes les plus précaires (système de garantie bancaire pour les femmes)
  • 70% des dossiers pris en charge sont ceux de femmes qui créent, car elles prennent plus le temps de construire leur projet
  • Dénonce un véritable recul observé sur les professions liées au numérique.

2. Quels moyens proposez-vous pour les accompagner ? Connaissez-vous d’autres exemples d’actions ?

 

Catherine Coutelle

« Pour que les égalités avancent, il faut attaquer tout de front »

  • Dans les années 90, on observe un retrait des filles du monde du numérique alors que ce secteur était porteur d’égalité (actuellement seulement 11 % de filles en écoles d’ingénieurs). La parité dans les filières IT se dégrade. Plus d’infos sur https://femmes-numerique.fr/
  • Perte massive d’emplois pour les femmes avec le déploiement du numérique (personnel d’accueil en guichet remplacé par des plateformes, sans solutions pour les femmes)
  • Les cyberviolences se font majoritairement à l’égard des femmes,
  • Inégalité d’accès des femmes au travail liée à l’inégalité d’accès à la formation (DIF est plus utilisé par les hommes car difficile de trouver un mode de garde pour les enfants, de s’absenter plusieurs jours du domicile familial, de se déplacer…. Travail à initier avec l’AFPA sur l’organisation des formations)
  • Levier = éducation non genrée dès les crèches, ce qui permettrait de ne pas assigner les filles à un rôle déterminé (expérience menée en crèche autour du comportement des adultes encadrant vis-à-vis des petites filles et petits garçons, qui a montré que le personnel ne s’adresse pas de la même façon aux filles qu’aux garçons et que l’éducation est genrée) suite à des réflexes intériorisés que nous avons (Conséquences : les filles vont vers certaines professions, seulement 17 métiers sur 80, elles réussissent mieux au bac, mais cette « avance » se perd à l’Université…)
  • Levier : un véritable partage des tâches domestiques quotidiennes et « sociétales » (exemple du congé parental de 3 ans qui éloigne trop les femmes du monde professionnel alors qu’un congé d’une année partagé entre les deux parents permet de porter cette notion de partage)
  • Frein = mobilité, les femmes prennent plus le bus, elles représentent 2/3 des clients des réseaux de transport en commun. Afin d’améliorer l’autonomie de celles-ci, des études sexuées permettraient d’agir en fonction des besoins réels.
  • Faciliter l’accès aux services, via des guichets uniques = progrès à faire pour ne pas « saucissonner » l’individu et multiplier les lieux où se rendre pour faire valoir ses droits (adaptation des horaires d’ouverture également).

 

Geneviève Humeau

 

  • Régression constatée sur certains dispositifs (agence des temps, guichet unique…) qui étaient des initiatives positives en termes d’accès aux droits.

 

Planning Familial

 

  • Le planning offre une écoute et un espace de parole libre, il propose des explications, une aide, un accompagnement vers une prise de décision
  • Il lutte contre les discriminations à l’embauche, car les femmes restent exclues du monde du travail du fait de leur statut de femme (maternité, manque d’accès à la formation, pas de partage des tâches …).

 

France Joubert

  • Une des réponses à donner est de prévenir et éviter l’isolement des femmes
  • Mettre en place une démarche individuelle pour que l’individu trouve sa propre solution face au travail
  • La notion de métier doit disparaître au profit de la notion de compétence qui n’est pas genrée à priori.
  • 80 % actuellement d’emploi de service occupés par les femmes
  • Finance solidaire : la chômeuse est écoutée et informée sur son projet (besoin, étude de marché…), l’écoute est déléguée à France Active
  • 80% de garantie de financement du projet ce qui représente un accompagnement essentiel à la réussite des projets des femmes
  • Groupements employeurs : vie des femmes et très « hachurée », comment trouver un emploi à temps complet pour les femmes en alliant leur cadre de vie.

3. Comment une collectivité municipale peut-elle accompagner les femmes en situation de précarité (quels leviers, quels moyens, quel est votre regard ?

Catherine Coutelle

  • Mettre en place des budgets genrés ce qui permet d’identifier ce qui est donné pour les femmes et hommes (exemple sur le sport : financement de city parks, de clubs sportifs masculins, …) et statistiques sexuées pour évaluer l’impact
  • Adapter les heures d’ouverture de services tels que la mairie, la préfecture… Ouverture des mairies annexes à des horaires différents = s’adapter aux usages (agence des temps) pour permettre l’accès à tous aux services publics et aux droits
  • Travailler avec les citoyens = « politique dans la dentelle » qui corresponde à de véritables besoins
  • Simplifier les droits pour qu’ils soient compréhensibles par tous
  • Autre mobilité, pour les bus « s’arrêter à la demande »
  • Construire des hébergements pour accueillir les femmes victimes de violence (la précarité reste un des facteurs qui « empêche » de quitter une situation de violence)
  • Travailler en réseau, avec des citoyens, des associations…
  • Ne plus faire en sorte que la mairie récupère le précieux travail des associations
  • Travailler l’accès aux loisirs et à la culture des femmes (penser la garde des enfants d’un point de vue financier et culturel, prendre en compte la difficulté pour certaines de faire entrer une personne étrangère chez soi)
  • S’emparer de la question de l’utilisation de l’espace public par les femmes, retrait de celles-ci de certains lieux
  • Améliorer la place de la femme dans l’espace public, le soir il n’y a plus de femmes dans la rue, l’idée de créer des apéros ou activité pour femme le soir permettrait de travailler sur l’insécurité qui ne baisse pas.

 

 

Geneviève Humeau

 

  • Pour les associations devant répondre aux besoins des habitants : la précarité renferme, « on ne sort pas de chez soi », donc il est difficile de s’emparer des solutions proposées, mais aussi de tenir compte de tout le monde. Il faut pourtant faire ce travail de se mettre à la place des autres et d’accompagner au mieux.
  • Un véritable soutien de la Mairie est important, non pas une internalisation des initiatives mais une écoute des acteurs de terrains qui sont les citoyens, les collectifs ou encore les associations. On est écouté, mais pas compris ou simplement considéré comme il le faudrait.
  • Simplifier les documents administratifs
  • Valoriser les documents nécessaires comme la charte Européenne de l’égalité homme-femme pour laquelle il n’y a eu que deux réunions. C’est insuffisant et peu pris en considération.
  • Il faut absolument faire un suivi des actions qui sont mises en place.

 

Planning Familial

 

  • Besoin d’une prise de conscience des élus sur le fait que les femmes sont les 1 ères victimes de violences faites par des hommes, que les femmes sont les plus précaires
  • Travail sur les cours d’école pour éviter la reproduction des stéréotypes de genre (intervention dès la maternelle pour l’utilisation des espaces),
  • Former les enseignants et personnels périscolaires
  • Travail autour du recul face aux droits des femmes par rapport à leur corps qui appartient à tous les hommes mais pas à elle (avis voire injonctions vestimentaires par exemple)
  • Accompagnement financier pour l’accès à l’IVG à l’étranger
  • On constate un recul énorme sur l’approche du corps de la femme.

 

France Joubert

 

  • Mettre en place un vrai suivi des idées, des chartes votées sur les questions d’égalité notamment par des citoyens garants de l’intérêt collectif
  • S’engager plus fortement dans le bien commun ce qui permettra aux femmes de trouver leur place (jardins collectifs…)
  • Mise en place d’un système permettant aux femmes de gérer leur temps
  • Mettre les hommes face à leur responsabilité
  • Gestion du problème du présentéisme au travail lié à la culture,
  • Lever les difficultés pour les femmes de s’engager en politique (partage des tâches toujours irrésolu avec également une stigmatisation des hommes souhaitant prendre le relais de leur femme face à la garde d’enfants, sentiment d’illégitimité des femmes…)

 


Une première table ronde très riche qui nous permet de mieux comprendre les profils de femmes concernées par la précarité et les enjeux dans leur accompagnement. Si la parole a été donnée à cinq intervenants, nous ne souhaitons pas nous arrêter là. En effet, d’autres associations réalisent un précieux travail d’accompagnement et de sensibilisation et de défense auprès des femmes sur Poitiers et Grand Poitiers. Ainsi, nos échanges se poursuivent le 16 mai à 18h30 au Moulin de Chasseigne, avec la présence du CIDFF, Médecins du Monde et Adelina Miranda du laboratoire Migre Inter. Nous vous invitons à découvrir avec nous leurs témoignages et débattre du rôle de la municipalité sur ce sujet.

 A bientôt !!!

Le groupe les solidarités de Poitiers Collectif