Intervention de Bastien Bernela sur la réponse de Sacha Houlié
au courrier d’interpellation sur TZLCD
Chers et chères collègues,
Dans la continuité du vœu qui vient de vous être soumis au vote, je souhaite dire quelques mots sur les propos de M. le Député Sacha Houlié suite à notre interpellation avec Madame la Maire. Compte-tenu des éléments financiers qui figurent dans le vœu, nous demandions à M. Houlié, ainsi qu’à tous les parlementaires du Département et au préfet de la Vienne, de bien vouloir relayer ces inquiétudes auprès du gouvernement.
M. Houlié nous a répondu par un courrier en fin de semaine dernière. Son argumentaire, relayé dans la presse, repose sur deux axes principaux. Le premier, c’est qu’il ne faut pas s’inquiéter, la réduction de la contribution au développement de l’emploi (CDE) et le budget inscrit au Projet de loi de finances 2024 ne mettent pas en danger l’expérimentation. Le second, c’est qu’il faut s’inquiéter de l’insuffisance du financement des collectivités.
Le député Sacha Houlié précise dans la presse : « Ce dispositif était jusqu’à présent surfinancé et continuera à l’être ». Plus d’1,2 million ont déjà été engagés pour la seule expérimentation de Poitiers et, même avec une contribution par poste salarié abaissée à 95% du SMIC pour la part Etat, le financement reste largement suffisant pour développer l’expérimentation.
Comme tout va très bien, à aucun moment il n’est question de chercher à convaincre le gouvernement de revenir sur ses décisions ou renforcer les moyens dans le cadre du projet de loi de finances 2024. De quoi inquiéter encore un peu plus l’ensemble des acteurs mobilisés. Car notre courrier initial, ce n’est pas simplement de la « popol » locale pour reprendre les mots de la presse, c’est une traduction locale d’une mobilisation nationale, accompagnée par l’association nationale TZCLD et le Fonds d’Expérimentation. Laurent Grandguillaume et Louis Gallois, leurs présidents respectifs auraient-ils tort de s’inquiéter ?
Dans un communique de presse, co-signé avec ATD Quart Monde, Emmaüs France, la Fédération des acteurs de la solidarité, le Pacte Civique, le Secours Catholique, APF France Handicap, la Coorace, Solidarités nouvelles face au chômage et ESS France, ils dénoncent – je cite – « un budget inacceptable qui signe un coup d’arrêt au projet ». « Aujourd’hui, nous tirons la sonnette d’alarme : les moyens financiers sont notoirement insuffisants et reviennent à geler l’expérimentation. (…) Concrètement, sans hausse du budget, pratiquement aucune embauche supplémentaire n’est possible dans aucun des 58 territoires habilités. A fortiori, sans hausse du budget, la perspective d’habilitation de territoires supplémentaires est totalement irréaliste. » A tous ces signataires, Monsieur le Député, leur répondez-vous : « Ne faites pas peur aux gens » ?
Ces gens, les personnes privées durablement d’emploi qui sont les chevilles ouvrières de l’expérimentation, ont peur, peur que la perspective du retour à l’emploi ne s’éloigne. Car l’association nationale et le fonds d’expérimentation alertent sans équivoque : les annonces vont geler les embauches.
On pourrait s’arrêter là : le député de la majorité présidentielle ne voit pas le problème dans les récentes annonces du gouvernement. Presque logique. Mais l’occasion est trop belle pour faire diversion et instiller la confusion dans l’esprit des acteurs du projet et sous-entendre que, finalement, le problème n’est pas tant le désengagement de l’Etat que le manque d’engagement des collectivités locales. Monsieur le Député précise que le gouvernement ne met nullement en péril l’expérimentation, « sauf désengagement ou non engagement dès le départ des collectivités participantes ». Sur les réseaux, il va même jusqu’à poser une question rhétorique : « J’en profite pour demander à la Ville De Poitiers – mais je crains d’avoir la réponse – quelle est sa participation financière par rapport aux 1,2 million d’euros de l’Etat ? »
Et bien, je vais répondre sans aucune ambiguïté : zéro euro d’aide directe pour ce qui concerne les entreprises à but d’emploi. Alors, je veux bien soumettre au vote de cette assemblée un soutien financier aux EBE, mais je crains que la délibération ne passe pas le contrôle de légalité de la Préfecture car, comme il nous l’a été déjà rappelé, la Ville n’a pas la compétence économique. En revanche, nous soutenons l’association Chenelle, qui anime le Comité Local pour l’Emploi car, pour rappel, la loi ne prévoit pas que l’Etat finance les associations d’animation, dont le rôle est pourtant essentiel. Enfin, nous mettons à disposition des locaux issus du patrimoine municipal, dans le quartier de Chilvert, ce qui permet pour l’entreprise Papiole de lancer son activité avec des charges immobilières raisonnables. Surtout, il s’agit d’un soutien qui est attendu des collectivités dans le cadre de l’expérimentation, contrairement au financement des postes, puisqu’au moment du dépôt du dossier, le territoire doit déjà avoir sécurisé la question des locaux.
Quant à Grand Poitiers, il finance en fonctionnement le soutien des communes volontaires dans le processus d’habilitation : près de 200 000 € via un soutien au Capée qui accompagne les acteurs locaux dans la préparation de leur dossier. Et une fois le territoire habilité, Grand Poitiers soutient les Entreprises à But d’Emploi en investissement via des crédits inscrits à sa PPI : 75 000 € pour Poitiers l’an dernier.
Alors oui, ces montants sont dérisoires au regard de la participation de l’Etat. Précisément parce qu’il s’agit d’une expérimentation nationale, inscrite dans la loi et avec comme principe la remobilisation d’argent public pour financer de l’emploi. Il suffit de transformer des revenus de solidarité, liés à la privation d’emploi, en revenu du travail. Pire, attendre que les collectivités prennent le relais d’un désengagement de l’Etat, c’est sortir du principe d’égalité des territoires devant la loi : car si, demain, les projets TZCLD dépendent de plus en plus de financements locaux, il ne s’agira plus d’une expérimentation nationale avec un cadre et des financements sécurisés. Et nous avons beaucoup à craindre que ce soit le chemin qui se dessine. En attendant, celui qui se dessine à Poitiers, c’est celui de la réussite : la majorité municipale a reçu l’équipe projet pour un point d’étape juste avant ce Conseil, et nous avons pu constater leur motivation et leur énergie autour du projet et les premiers résultats encourageants en termes de retour à l’emploi. Un merci sincère à toute l’équipe projet mobilisée, et bonne continuation !