Evolution des services du CCAS de Poitiers : un choix qui interpelle, un choix qu’on vous explique

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[Article mis à jour le 06/03/2023]

La situation difficile que connaissent les collectivités depuis plusieurs années, en particulier depuis la mi-2022, nous met collectivement au défi d’interroger la place que nous souhaitons donner au service public.

Une question pour laquelle la réponse de l’équipe municipale de Poitiers Collectif répond sans détour : le service public doit résolument être préservé et conforté. Mais préserver le service public, ce n’est pas le figer, ce n’est pas uniquement le développer, c’est en permanence l’ajuster au contexte parfois difficile, et de lui permettre de répondre aux besoins nouveaux, au risque de laisser la place à d’autres acteurs moins vertueux. Le service public sera conforté avant tout s’il conserve sa capacité à répondre aux besoins d’aujourd’hui et de demain.

Le CCAS de Poitiers et la Ville de Poitiers ont annoncé l’évolution significative de certains services du CCAS, qui interpellent, et peuvent susciter de l’incompréhension : la fermeture de la Résidence autonomie Edith Augustin, et l’arrêt annoncé du service de crèche familiale.

L’incompréhension, la colère, ont leur place, et ce ne sont pas des décisions prises de gaieté de cœur pour nous. Mais il est important de permettre à chacun d’en comprendre les raisons.

 

Un peu de pédagogie budgétaire

Une étape nécessaire pour comprendre une chose : l’équation financière devient intenable !

      • Avant tout, les alertes sur la fragilité des collectivités ne sont pas des jérémiades : inflation générale, explosion des coûts de l’énergie (+300% pour le gaz, par exemple), de l’alimentation et du coût des chantiers ; augmentation des rémunérations légitimes pour les agents mais non compensées par l’Etat qui les a décidées… Tout cela constitue des contraintes inédites de mémoire d’agent, et ce qui est vrai pour la Ville de Poitiers est encore plus vrai pour le Centre Communal d’Action Sociale, le CCAS.

      Comment est composé le budget du CCAS ?

       

      Les recettes du CCAS pour 2022 s’élèvent à 33 234 000 € et sont issues pour :

          • 23 % (7 594 204 €) de la participation des usagers,

          • 40 % (13 280 000 €) des institutions qui ont la tutelle financière du CCAS,

          • 31 % (10 507 000 €) de la subvention d’équilibre de la Ville de Poitiers, qui vient compenser le manque de financement des institutions de tutelle. 

        Un budget qui comprend des contraintes très spécifiques :

            • 80% des dépenses de fonctionnement correspondent à la masse salariale, avec des métiers à forte pénibilité, donc avec des roulements importants.
            • La plupart de ses activités relèvent de compétences d’autres institutions (Etat, CAF, Département) ou de compétences partagées. Ainsi, ce sont ces autres institutions qui déterminent les dotations correspondantes, mais aussi la tarification applicable aux prestations proposées par le CCAS.

          Le problème, c’est que les dotations ne permettent pas de faire face aux coûts, et de moins en moins !

          Deux exemples :

              • La prise en charge de la dépendance. Les dotations versées par le Département sont basées sur un point GIR (Groupe Iso-Ressources), qui détermine le niveau de dépendance des personnes, et c’est le Département qui fixe le niveau de ce point. La Vienne est l’avant dernier département de France métropolitaine pour la valeur de son point GIR ! Dans les EPHAD, ce sous-financement induit un déficit de plus de 900 000 euros/an, un déficit bien pire  dans l’aide à domicile où le reste pour le CCAS après la déduction des financeurs que sont le Département ou les caisses de retraite s’élève à plus de 1,4M d’euros par an.

              • L’accompagnement des bénéficiaires du RSA. C’est une compétence départementale, que le CCAS a choisi de prendre par convention pour une partie du public poitevin. La dotation du Département ne couvre que 50% des frais engagés !

            Si le CCAS est dans cette situation, si les politiques sociales au sens large sont autant menacées, c’est la conséquence d’une fragilité organisée ! Un système nourri par le manque d’engagement financier des institutions qui sont pourtant en charge de la solidarité, le Département en particulier. La non compensation (augmentation du point d’indice) ou la compensation trop faible (mesures Ségur) des mesures décidées par l’Etat, le changement de modalités de financement de la CAF, pour ne citer que quelques exemples, ont structurellement fragilisé le CCAS depuis des années. Des négociations, il y en a eu ! Portées par la Maire, et Coralie Breuillé-Jean Adjointe aux Solidarités et Vice-Présidente aux Solidarités, mais elles sont très loin d’avoir permis le rééquilibrage attendu.

            Toutes les institutions se déchargent de leur responsabilité sur les collectivités en bout de chaîne : les communes et leurs CCAS. Nous, collectivité engagée pour la solidarité, nous compensons ce que les autres ne prennent pas en charge, et en plus, nous sommes en première ligne lorsque les décisions nécessaires suscitent de la colère. Pratique !

            Nous assumons nos choix de gestion, mais nous ne souhaitons pas non plus avoir le dos plus large qu’il ne l’est déjà : la responsabilité des difficultés financières du CCAS, c’est avant tout celle des politiques départementales, nationales, qui ne priorisent pas suffisamment les politiques sociales, et qui laissent notre CCAS assurer ses missions avec un « reste à charge » d’environ 30% et qui croît chaque année. Pour avoir un budget équilibré, c’est 30% du service qu’il faudrait réduire ! Bien sûr, le service public ne se dirige pas avec une logique comptable, et si la Ville de Poitiers soutient massivement son CCAS, c’est parce-qu’elle y croit, et qu’elle s’engage fortement pour la justice sociale.  

            Mais, dans ce contexte, les « restes à charge » des principales activités prises en charge par le CCAS augmentent de manière exponentielle : en 2022, près d’1,4M pour le Service d’aide à domicile, plus de 900 000 euros pour l’EHPAD, plus de 1,5M pour les Résidences autonomie, près de 3M d’euros pour la petite enfance…

            Tous les chiffres sont à retrouver sur le site de la Mairie.

            Et les déficits de fonctionnement généraux du CCAS suivent, eux aussi, une courbe dangereuse, avec une année 2022 qui retrouve le niveau de déficit de 2020, année de crise lourde du COVID, soit plus de 950 000 euros après le soutien de la Ville, contre 374 000 en 2019, ou 296 000 en 2020.

            La Ville de Poitiers apportera un soutien sans précédent au CCAS en 2023 : après avoir augmenté sa subvention de 4% par an depuis 2020 (contre 2%/an auparavant), le soutien de la Ville augmentera en 2023 de près de 30%, pour aider le CCAS à faire face à l’explosion des dépenses de toute part.

            En somme : nous ne faisons pas d’économies sur le dos du CCAS, loin de là ! Le soutien est conforté, mais, pour les finances du CCAS comme pour celles de la Ville, nous devons tendre vers un état financier plus équilibré. C’est d’ailleurs ce qu’avait signalé un rapport de la Chambre régionale des Comptes, qui avait examiné les comptes du CCAS de 2013 à 2019 : un CCAS sous-financé par les institutions de tutelle de manière chronique, et dangereusement dépendante de la subvention de la Ville de Poitiers.

            Préserver les finances du CCAS, c’est donc préserver la durabilité même du service public, en ne le fragilisant pas outre mesure. Et en faisant en sorte de dégager de petites marges de manœuvre pour répondre aux besoins nouveaux ou qui se renforcent sur le territoire.

            Faire évoluer l’offre de service public, pour répondre aux besoins, et assurer son avenir

            Pourquoi fermer la Résidence Autonomie Edith Augustin ?

            Le modèle des résidences autonomie est de moins en moins demandé par les personnes âgées. Aujourd’hui, leurs envies sont plutôt au maintien à domicile le plus longtemps possible – à Poitiers, le service public se déplace chez vous avec une offre conséquente de maintien à domicile, et nous avons même des centenaires qui vivent encore chez eux ! Lorsque la dépendance devient trop forte, les personnes choisissent l’EHPAD, mais l’intermédiaire « résidence autonomie » séduit moins.

            Le CCAS de Poitiers a quatre résidences autonomie publiques, dans différents quartiers. Edith Augustin a un taux d’occupation moyen de 75%. Propriété d’Ekidom, c’est un bâtiment lourdement et totalement amianté : outre le coût d’une éventuelle rénovation, il est impossible à réhabiliter sans un déménagement total donc lourd pour les résidents (estimé à deux ans). La lourdeur de la présence d’amiante empêche tous les petits travaux en site occupé : rénovation des appartement libérés par les personnes, adaptation des salles de bain, installation de la fibre… Ce sont pourtant des travaux nécessaires pour assurer l’occupation de la résidence (appartements vides), et pour son attractivité par rapport à d’autres offres.

            Dans le même temps, il s’agit de conforter le financement de l’accompagnement à domicile, très important à Poitiers, des EHPAD, qui demandent une prise en charge importante, tout en développant une nouvelle offre de service notamment dans le cadre de la démarche « Ville amie des aînés » qui commence tout juste (animation à domicile, habitats innovants…), portée par Laurence Daury-Reig, Déléguée aux aînés.

            Avant que cette annonce soit publique, nous avons rencontré les agents concernés, les résidents et leur famille. Et nous le leur avons certifié : aucun résident, aucun agent, ne sera laissé sans solution. Les résidents seront accompagnés vers des options de relogement dans d’autres structures publiques à Poitiers, en partant vraiment du choix de chaque personne, et en laissant chacun aller à son rythme. Un accompagnement psychologique sera proposé. Pour les agents, chacun sera accompagné dans la suite de son parcours professionnel, dans ou hors de la collectivité.

            Pourquoi annoncer la fin du système de crèche familiale ?

            Ce qu’on appelle « crèche familiale », c’est en réalité un réseau d’assistantes maternelles salariées par la collectivité. Là aussi, depuis les années 2000, ce mode d’accueil diminue beaucoup. Malgré plusieurs réorganisations du service, opérations de communication, propositions systématiques aux familles, c’est un mode d’accueil de moins en moins sollicité par les parents, et jamais en première intention – même si, finalement et a posteriori, beaucoup de familles sont heureuses d’avoir fait ce choix. Aujourd’hui, le choix des jeunes parents, c’est plutôt la crèche collective classique : un cadre plus adaptable, une pédagogie collective…

            Ces constats, communs au niveau national, ont amené une grande partie des collectivités à fermer leurs crèches familiales. Et, pour être honnêtes, c’était aussi en gestation à Poitiers : depuis la moitié des années 2000, aucun départ à la retraite d’assistante maternelle publique n’avait été remplacé.

            Aucun enfant, aucun agent, ne sera sans solution. 44 enfants sont accueillis à la crèche familiale, pour 17 assistantes maternelles. Des places seront réservées dans les crèches collectives en vue d’une entrée au plus tard en septembre 2024, et les professionnelles seront aussi accompagnées : soit pour entrer en formation, soit pour se réorienter au sein de la collectivité, soit pour poursuivre leur activité en tant qu’indépendantes (elles gardent leur agrément).

            Et, pour répondre aux besoins de la population, nous avons un besoin urgent de nouvelles places en crèche collective ! C’est pour cela que, d’ici la fin du mandat, près de 50 places de crèches publiques seront créées à Poitiers, sous le pilotage de Samira Barro-Konaté, Déléguée à la petite enfance : aux Trois Cités (6 places supplémentaires à la crèche Frimousse), à Saint Eloi (12 places), et dans une nouvelle crèche à venir dans le quartier de la gare (20 places a minima).