Fresque sur Gaza : revendiquer la Paix là-bas, préserver la paix ici

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Un mur d’expression libre a fait l’objet de la création d’une fresque qui appelait au cessez le feu tout en portant deux messages clairement inscrits : « 75 ans de colonisation » et « stop génocide ». La Ville de Poitiers, interrogée sur cette fresque et sa volonté  de la retirer ou non, a rappelé les principes de la libre expression artistique auxquels nous sommes très attachés.

La fresque ne présentait ni calomnie, ni injures racistes ou sexuelles, ni d’apologie du terrorisme ou d’incitation à la haine, nul ne peut condamner une expression artistique qui respecte le cadre légal et ne constitue donc aucunement un délit. Nous, élus de la majorité municipale, nous réaffirmons la nécessité de défendre en commun, comme il y a peu sous la bannière « Je suis Charlie », les libertés d’expression de plus en plus menacées.

Alors que le conflit israélo-palestinien génère un contexte international de tension accrue, la collectivité a fait le choix de l’apaisement.

La communauté juive nous a interpelés sur le fort sentiment d’insécurité ressenti par ses membres, dans un contexte d’augmentation d’actes antisémites en France. Or, c’est une priorité pour la municipalité de garantir un espace public sécurisant pour toutes et tous. L’interpellation d’une communauté dans un contexte aussi sensible ne peut être ignorée, c’est pourquoi nous avons procédé à l’effacement de la fresque.

Pour autant, il nous faut rappeler avec force que les habitantes et habitants de Gaza connaissent depuis plusieurs mois une situation dramatique : la privation d’aide humanitaire et médicale, harcèlement par les bombes, morts massives y compris d’enfants, plus en quelques mois que dans les quatre dernières années de conflits dans le monde entier. Ces éléments sont factuels et documentés par de nombreux rapports d’institutions internationales et d’ONG, présentes sur le terrain. Cette situation a conduit la Cour Internationale de Justice de l’ONU à reconnaître un « risque de génocide » à Gaza et  à appeler le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou à tout faire pour s’en prémunir. Parallèlement, une part de plus en plus importante de la communauté internationale, toutes sensibilités politiques et religieuses confondues, réclame fortement un cessez-le-feu et l’accès  de l’aide humanitaire aux populations. A Poitiers, l’humanisme, auquel nous sommes attachés et qui est une valeur forte de notre ville, ne saurait se satisfaire du silence concernant les violences de guerre commises à Gaza. Il ne saurait non plus s’accommoder d’un amalgame dangereux entre la communauté juive dans son ensemble et le gouvernement actuel de l’État d’Israël.

Il est en effet impératif de  distinguer la critique politique qui peut légitimement s’exprimer à l’encontre du  gouvernement de Benjamin Netanyahou, et ce qui relève par ailleurs de la « provocation à l’antisémitisme ». Inciter, comme on a pu entendre certains le faire, à la confusion entre l’expression d’un point de vue de nature strictement politique et l’incitation à la violence à l’égard d’une religion ou communauté religieuse comprend un fort risque d’importer les violences et tensions liées au conflit israélo-palestinien, remettant dès lors en question la préservation du vivre ensemble dans notre ville. Cette lecture simpliste et pour le moins erronée contribue in fine à entretenir le risque d’une incitation à la haine et un ressentiment croissant  à l’égard de la communauté juive, alors qu’il faut, bien au contraire, impérativement se préserver de tout amalgame en déconnectant la question politique (celle de la colonisation israélienne) de la question religieuse. En sombrant ainsi dans l’amalgame, nous ne sommes par ailleurs pas à l’abri d’attiser les tensions potentielles entre les communautés religieuses juives et musulmanes.

En conséquence, c’est donc bien dans un souci d’apaisement, et en responsabilité, pour que Poitiers reste une ville accueillante, ouverte sur le monde, forte de sa diversité, que nous assumons le choix d’avoir effacé cette fresque. Dans le sillage du vœu adopté en conseil municipal en décembre 2023 appelant à un cessez le feu, nous invitons les artistes qui le souhaiteraient à produire une nouvelle fresque qui porterait dans l’espace public le message de paix  et du respect de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les élu·es de la majorité de Poitiers