Manque d’eau : Poitiers menacée ?

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Qu’est-ce qui sépare l’être humain de la punaise de pomme de terre ? Peu de choses à en croire Aldo Leopold, l’un des pionniers du mouvement écologiste. A l’image de ce petit insecte, qui en détruisant les cultures de pomme de terre a provoqué sa propre extinction, l’être humain semble lui aussi pris dans cette logique, irrationnelle, d’autodestruction.

C’est ce dont témoigne – une nouvelle fois – une récente étude, qui nous montre qu’une nouvelle limite planétaire est franchie, et non des moindres : celle du cycle de l’eau. Concrètement, cela signifie que le niveau des ressources en eau s’amenuise au point de menacer la stabilité de notre écosystème, et donc les conditions de notre vie sur Terre.

Si les résultats de l’étude s’appuient sur des données théoriques, les réalités concrètes de cette crise sont, elles, bien visibles : en témoigne la sécheresse alarmante dans la corne de l’Afrique, qui menace 20 millions de personnes de la famine ; la capitale du Chili, Santiago, se prépare quant à elle pour la première fois à un manque d’eau potable pour ses habitants ; l’Espagne et le Portugal ont connu, elles aussi, un épisode de sécheresse extrême l’hiver dernier, à tel point que certaines réserves d’eau se situent à moins de 45% de leurs capacités. Le panorama hydrique mondial est alarmant ; et tout porte à croire qu’il n’ira pas en s’arrangeant.

© EDUARDO SOTERAS / AFP – Illustration du journal Le Temps : L’Ethiopie frappée par la «pire sécheresse jamais vécue» – Le Temps

Toutefois, ces exemples internationaux ne doivent pas nous faire oublier que cette crise du cycle de l’eau nous concerne directement. Elle nous concerne même localement : la région Poitou-Charentes fait partie des régions françaises les plus préoccupantes sur le sujet. Cette situation nous oblige ainsi à agir rapidement. Prendre conscience du problème ne suffit pas : il faut y répondre… si nous ne voulons pas connaître le même destin que la punaise de pomme de terre.

Un constat préoccupant à Poitiers et dans la Vienne

Notre département de la Vienne est marqué depuis août 2021 par un très fort déficit de pluie. Conséquence ? Les nappes d’eau souterraines sur notre territoire se rechargent insuffisamment, et nos rivières ont des débits bien inférieurs aux moyennes normales. Une situation qui est malheureusement appelée à se prolonger, voire à se détériorer au fil des années. Déjà certaines restrictions ont été mises en place par les services de l’Etat. Le préfet de la Vienne a, par exemple, récemment appelé les collectivités et les particuliers à réduire leur consommation d’eau.

Nous ne le voyons pas directement, mais le manque d’eau est là, prêt à surgir dans notre quotidien et à bouleverser nos modes de vie.

Evidemment, et nous ne cessons de le dire, si nous souhaitons arrêter cette course folle il nous faut changer de modèle économique. Une tâche difficile, que certains jugeront même « utopique ». Comme le soulignait avec ironie Frederic Jameson, il est, en effet, « plus facile d’imaginer la fin du monde, que la fin du capitalisme ». Mais, nous disons que ce qui est utopique c’est de croire que nous pouvons continuer sur ce même chemin ! Le vrai réalisme est celui qui nous impose d’agir, à tous les niveaux.

Crédit photo : réserve du Pinail – Y’a plus de saison : il va falloir s’y adapter ! – Réserve Naturelle Nationale du Pinail (reserve-pinail.org)

Que faire au plan individuel ?

Un européen consomme, en moyenne, entre 5000 et 7000 litres d’eau par jour. Oui, par jour ! Evidemment, on ne boit pas 5000 litres d’eau quotidiennement, mais notre consommation, elle, s’élève à ce niveau. Comment est-ce possible ?  Eh bien tout simplement parce qu’au-delà de nos usages quotidiens et visibles de l’eau, se cache aussi de l’eau dans nos assiettes, dans nos vêtements, dans ce que l’on achète. En d’autres termes, il y a une eau invisible dans tous nos modes de consommation !

Bien qu’invisible, elle n’en demeure pas moins essentielle. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas empêcher la crise du cycle de l’eau sans adapter nos modes de vie. Il ne s’agit pas ici de revenir à la lampe à huile, comme le caricaturent certains, mais de consommer moins et, surtout, de prêter attention à ce que l’on achète (par exemple, les tomates produites en Espagne le sont dans des conditions terribles pour l’environnement).

Ces gestes du quotidien, simples et banals, une fois réunis collectivement, ont ainsi une portée considérable ! Ce changement est à la portée de tout le monde, et surtout, au bénéfice de tout le monde !

Que faire à l’échelon local ?

Mais, face à cette situation la responsabilité individuelle ne suffit pas. Que devons-nous faire localement ? Et surtout, que faisons-nous concrètement à Poitiers depuis que nous sommes élus ?

1. Protéger au maximum nos réserves d’eau

Nous nous devons de protéger nos rivières et nos nappes souterraines des projets d’artificialisation qui pourraient les menacer directement et gravement.

La première des priorités sur ce sujet consiste à protéger les réserves d’eau naturelles que nous avons sur notre territoire. Nous avons la chance de vivre dans une région et dans un département dont l’identité rurale est forte, avec des paysages naturels encore préservés. Cette chance est aussi pour nous une responsabilité : nous nous devons de porter une attention particulière à nos rivières et à nos nappes souterraines. Nous nous devons de les protéger des projets d’artificialisation qui pourraient les menacer directement et gravement.

C’est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés à la construction sur notre territoire de réserves de substitution d’eau, appelées aussi « bassines ».

L’Etat a, en effet, ordonné la construction prochaine d’une trentaine de ces « réserves » dans le Bassin du Clain. Le système de ces bassines est simple : il s’agit de pomper les nappes phréatiques l’hiver, lorsqu’elles sont censées être les plus remplies, pour garder l’eau dans des réserves et permettre à certains agriculteurs d’irriguer leurs champ l’été (en particulier des cultures intensives comme le maïs).

Or, ces bassines constituent à la fois une catastrophe environnementale et un non-sens écologique. Non seulement, elles détruisent le niveau d’eau de nos nappes souterraines (des nappes qui, pour rappel, sont déjà insuffisamment remplies dans la Vienne), mais surtout, la « solution » que ces bassines prétendent incarner reste prisonnière d’une logique destructrice : artificialiser nos sols pour les préserver, et maintenir à flot une agriculture intensive destructrice de notre environnement.

La lutte contre l’artificialisation est ainsi au cœur de notre engagement : à l’image aussi de notre opposition au projet d’autoroute entre Poitiers et Limoges, nous voulons préserver notre territoire contre les projets d’artificialisation qui le lacère et le détruit de manière irréversible.

Une bassine en construction dans les Deux-Sèvres – crédit photo : Nouvelle République : ​La FNSEA et les JA se mobilisent à Mauzé-sur-le-Mignon pour les réserves de substitution (lanouvellerepublique.fr)

2. Végétaliser la ville pour atténuer les effets du changement climatique

Si nous voulons lutter contre le dérèglement hydrique, il nous faut donc lutter contre le dérèglement climatique

Protéger nos ressources en eau c’est aussi protéger notre biodiversité. Le cycle de l’eau illustre bien, en effet, l’équilibre propre à notre écosystème. Tout est lié, à tel point que le dérèglement d’un seul de ses aspects bouleverse l’écosystème dans son ensemble. Si nous voulons lutter contre le dérèglement hydrique, il nous faut donc lutter contre le dérèglement climatique.

Dans nos villes, cela passe principalement par la végétalisation. Le fait de planter des arbres, de créer des îlots de fraîcheur, de préserver des parcs, ne visent pas simplement à améliorer le cadre de vie des habitants. Ce sont des actions nécessaires pour préserver l’environnement ! Les arbres ont un rôle essentiel pour stocker le CO2, filtrer les particules polluantes, préserver la biodiversité ou encore améliorer l’hydratation des sols. Ils permettent, en d’autres termes, d’abaisser la température et de créer des continuités écologiques. De plus, en s’opposant à l’urbanisation et la bétonisation encore écrasantes, la végétalisation rend les sols plus perméables, favorisant le cycle de l’eau et atténuant les épisodes de sécheresse.

A Poitiers, nous faisons de la végétalisation de la ville un objectif majeur ! Concrètement, nous nous sommes engagés à planter 10 000 arbres durant notre mandat. Et nous en sommes déjà à plus de 4 500. Nous avons aussi créé des micro-forêts en ville, développé et aménagé nos parcs. Nous avons aussi le projet de protéger la Boivre, dans le cadre du futur aménagement du quartier de la gare. En somme, la nature en ville n’est pas pour nous un souhait esthétique : elle représente un enjeu important !

3. Relocaliser la production agricole

Avec les communes de Grand Poitiers, nous nous employons à relocaliser la production agricole et à mettre en place des circuits courts alimentaires

De tous les usages et les besoins en eau, l’agriculture représente une source de consommation importante. Le secteur agricole, en France, c’est plus de la moitié de la consommation nette d’eau chaque année ! Or, le modèle agricole promu depuis de nombreuses décennies dans les pays développés, un modèle renforcé par les traités de libre-échange, est celui d’une agriculture intensive, essentiellement tournée vers l’exportation. En plus de ne pas être destinée à la consommation locale, la majorité de la production agricole française n’est pas destinée à la consommation humaine ; il s’agit de plantes fourragères cultivées pour nourrir le bétail. Le maïs représente par exemple la moitié des ressources en eau utilisées dans le secteur agricole. La céréale est produite de manière intensive, dans une logique productiviste, alors qu’elle est inadaptée à notre climat et qu’elle nécessite une irrigation conséquente. Aussi, les besoins en eau sont augmentés par l’appauvrissement des sols – directement lié à la politique d’agriculture intensive. Les terres deviennent de moins en moins aptes à la rétention d’eau et nécessitent d’être de plus en plus irriguées. En sommes, nous produisons à grand renfort d’eau dans une logiquement purement productiviste : produire…pour produire !

La logique rationnelle (et non celle de la punaise de pomme de terre) commanderait naturellement d’arrêter cette course à la production, et de produire en fonction de ce que nous consommons ! À ce niveau les collectivités locales ont donc un rôle à jouer. Comme elles sont au plus près des territoires, les collectivités sont les mieux placées pour structurer une filière agricole locale.

C’est notamment ce que nous tâchons de faire à Grand Poitiers, dans le cadre du Plan Alimentaire Territorial ! Avec les communes de Grand Poitiers, nous nous employons à relocaliser la production agricole et à mettre en place des circuits courts alimentaires.

L’enjeu est bien d’encourager une agriculture raisonnée, moins exigeante en eau, et de pouvoir proposer aux poitevines et poitevins une alimentation saine et locale.

L’équipe municipale pour la réouverture du jardin des Dunes de l’Hypogée, après plus de deux décennies de fermeture

Et l’État dans tout ça ?

Face à la crise hydrique, l’action individuelle et celle des collectivités locales sont nécessaires. Mais l’État dans tout ça ? Il est évident qu’aucun véritable changement ne pourra advenir sans réel volontarisme politique de l’État, et donc sans des actions concrètes et ambitieuses de la part des gouvernants nationaux.

Or, force est de constater, sur ce point, que rien n’est fait pour sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes. Des mesures sont prises, bien sûr, à l’échelon national : récemment le ministre de l’Agriculture a ainsi annoncé des investissements importants pour financer des projets à court et moyen termes « d’optimisation » de la ressource-eau. Ces fonds permettront notamment de consolider les réseaux d’eau potable et de faciliter le curetage des canaux. Mais, nous le voyons bien, il s’agit-là de réponses conjoncturelles à des problèmes qui sont, eux, structurels. Autrement dit, les mesures prises sont des mesures de façade, insuffisantes, et surtout inadaptées à l’ampleur de la crise.

Plus encore, l’Etat, par l’intermédiaire d’Emmanuel Macron, continue de promouvoir un modèle aggravant, responsable des crises. Le modèle agricole défendu par les plus hautes instances est celui d’une agriculture intensive, exigeant des quantités phénoménales d’eau pour maintenir une production rentable. De surcroît, l’Union Européenne, dont la Politique Agricole Commune laisse pourtant à désirer, a vivement critiqué « le manque d’ambition climatique et environnementale » de la politique agricole française. Et ce modèle artificiel et illusoire n’est pas près d’être remis en cause à en croire les déclarations de Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, qui annonce que la France prépare sa « révolution agricole », laquelle « repose sur le numérique, la recherche variétale, l’agro-robotique et le biocontrôle ».

De la même manière, le gouvernement continue de défendre des projets d’artificialisation et de bétonisation qui vont clairement à l’encontre des enjeux actuels. Le journal Reporterre a d’ailleurs recensé tous les projets dévastateurs de l’environnement actuellement en cours en France : leur carte est sans appel !

En définitive, le président de la République et son futur gouvernement portent une responsabilité immense pour répondre à la crise hydrique que nous traversons. Mais face à l’inaction, Poitiers décide d’engager tous ses efforts pour une meilleure gestion des ressources et un respect le plus total de l’environnement. L’eau est un enjeu de tous, allant de pair avec l’écologie et la santé publique.