Pour nos quartiers, retrouvons le sens des priorités !

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Intervention de Léonore Moncond’huy
en ouverture du conseil municipal du 9 octobre 2023

 

C’est le premier conseil municipal après les violences urbaines qui ont durement touché les quartiers de Poitiers en juin dernier. Et je saisis l’occasion pour réaffirmer le soutien continu de la Ville de Poitiers, depuis le mois de juin, aux acteurs touchés, commerces mais aussi services publics, acteurs de quartiers, et bien sûr aux habitantes et aux habitants.

En juin, il y a eu la gestion immédiate de la crise, marquée par la mobilisation efficace et coordonnée de tous les acteurs, par une présence humaine importante, par l’écoute et l’ouverture d’espaces d’échanges.

Cet été, il y eu les premiers diagnostics, les premiers travaux possibles, et la réouverture de certains commerces – le Trianon, Medicalife que je salue pour le dernier d’entre eux. Nous avons beaucoup travaillé, cherché des solutions, pour que la Ville de Poitiers puisse aider avec réactivité les commerçants touchés, et nous déplorons ne pas avoir trouvé d’issue favorable avec la Préfecture.

Les dégradations plus lourdes mettront plus de temps à être réparées. Et, bien sûr, les réparations matérielles sont peu de choses par rapport aux réparations humaines attendues.

Mais la crise n’est pas close. « La plupart des facteurs nourrissant le malaise sont toujours là, et les braises rougeoient encore », je cite une tribune d’élus de tous bords de l’association Ville et banlieue. Clôturer une crise, c’est avoir identifié et partagé ses causes, proposer des solutions pour y remédier, et prévenir la survenue de prochaines crises.

Il y a la cause, apparente, le déclencheur plutôt, la mort du jeune Nahel, qui nous impose d’aborder de front, hors des caricatures, du simplisme ou de l’angélisme, la question politique de la doctrine policière en France et du lien police-population.

Il y a les responsabilités, qui ne sont pas à nier : un tel niveau de violence, contre les services publics, les commerces de proximité, les forces de sécurité, contre les habitantes et les habitants des quartiers, est absolument inacceptable et doit aussi faire l’objet d’une réponse pénale.

Mais il y a aussi les ferments plus profonds de la colère, et donc les réponses structurelles attendues. Dans la même tribune, les élus de l’association indiquent que cette rentrée « doit à tout prix marquer une rupture quant à l’approche des politiques publiques dans nos quartiers ».

La présence et la visibilité des services publics

Le renforcement des moyens éducatifs

L’accès à un emploi formel pour les personnes qui en sont le plus éloignées

Sont au cœur des réponses structurelles attendues. Et je ne parle pas là de politique de la ville : les services publics, l’éducation, sont au cœur de l’égalité d’accès aux droits, et finalement au cœur de l’égalité vécue, sensible, réelle, pour toutes et tous. De l’état de droit pour tous.

Malheureusement les nouvelles de cette rentrée ne vont pas dans le bon sens :

Alors que la présence des services publics, et donc de l’institution publique, au sein des quartiers doit être confortée et renforcée au lendemain de ces violences, La Poste nous annonce la fermeture de son agence du Clos Gaultier. Ce qui, malgré les efforts recherchés ailleurs, est, et restera si la décision est maintenue, un symbole.

Alors que tous, parents, acteurs de quartier, élus locaux, réclament plus de moyens pour l’éducation, l’Etat nous annonce une suppression du fonds de soutien aux activités périscolaires pour les communes à 4,5 jours, soit majoritairement des grandes villes, grandes villes où se situent majoritairement les enfants en QPV. Le temps périscolaire est pourtant absolument fondamental pour la qualité de la prise en charge éducative globale : le temps avant et surtout après l’école, c’est à la fois le temps le plus risqué où les enfants peuvent être livrés à eux-mêmes ou aux sirènes d’activités illégales, mais c’est aussi un temps facteur d’opportunités majeures, pour l’accompagnement à la scolarité par exemple. Et sans ce financement, nous ne pourrons clairement pas maintenir le niveau d’offre proposé, et nous ne pourrons engager les améliorations prévues, notamment en faveur de l’inclusion des enfants à besoins spécifiques dans les activités périscolaires.

Alors que l’emploi est un enjeu majeur d’inclusion économique et sociale des quartiers, avec un taux de chômage en moyenne 4 fois plus élevé en QPV qu’ailleurs à Poitiers, le gouvernement annonce la suppression de 15 000 nouveaux contrats aidés, et la réduction drastique du budget alloué à Territoire Zéro Chômeurs de Longue Durée : un dispositif qui a fait ses preuves, qui concerne justement 3 des QPV ou quartiers en veille de Poitiers : les 3 Cités, Bel Air, Bellejouanne. Tout en annonçant l’obligation d’activité pour les bénéficiaires du RSA : à une approche intelligente, fondée sur le retour à l’emploi volontaire et mobilisateur, on oppose une approche aveugle et démobilisatrice.

Cette rentrée va à rebours total des attentes du terrain après ces violences : le gouvernement doit retrouver le sens des priorités !

Il ne s’agit pas de dénoncer par posture. Mais, nous, élus locaux, acteurs de terrain, avons besoin que l’Etat soit connecté à nos réalités, nous avons besoin d’une prise en compte et d’une présence nationale sur les grands enjeux de la responsabilité de l’Etat. Les élus de la tribune de Ville et banlieue appellent « à une véritable et vitale révolution dans le rôle et la présence de l’Etat, dans les moyens humains et matériels mis à disposition aux territoires, et une politique volontariste de mixité sociale à l’échelle de tout le territoire ».

C’est bien sûr un partenariat à travailler, à retravailler, et les villes sont pleinement prêtes à s’y engager, si nous en avons les moyens nécessaires. Le renvoi systématique vers les collectivités comme solution de recours – sur le périscolaire, sur TZCLD – sans moyens dédiés, n’est pas une solution soutenable. D’autant qu’elle entre en contradiction frontale avec la réduction de nos marges de manœuvre financières : perte de capacité à lever l’impôt, gel des dotations…

Mais c’est bien une responsabilité partagée. Et la Ville de Poitiers doit aussi prendre toute sa part dans les évolutions attendues.

Pour une équipe municipale qui a fait de la participation citoyenne l’un de ses points cardinaux, les violences de juin dernier nous interpellent particulièrement sur la perte de contact, la perte de lien semblant totale entre les institutions, et un certain nombre de citoyens. Personne n’avait vu venir ces émeutes – non pas dans ses ferments, qui sont profonds et dont nous, élus locaux, mais aussi Maisons de quartier, sommes les témoins quotidiens. Mais dans son surgissement, dans son niveau de violence, personne n’a su prévenir, réguler. C’est une illustration éclatante et violente des fractures sociales qui creusent notre société.

Pour nous, qui sommes fermement engagés pour la démocratie, nous devons nous poser la question : comment refaire société /République avec ces citoyennes et citoyens, qui ont exprimé leur colère d’une manière inacceptable, mais qui sont des citoyens, des habitants. Comment faire en sorte de reconstruire du commun, avec eux, avec nous, à l’échelle de la ville.

C’est une question de posture générale : être encore plus à l’écoute, aller vers les habitants et soutenir les espaces d’échange collectifs, réaffirmer notre soutien aux Maisons de quartier qui sont des maillons indispensables du lien social, soutenir les collectifs citoyens et s’adapter aux formes moins formelles qu’ils adoptent de plus en plus…

C’est aussi une question de priorités claires. Pour les trois prochaines années, nos priorités viseront :

  • Le retour et le renforcement, au plus vite, des services publics de proximité : les Mairies annexes bien sûr, la police nationale, la poste, pour n’en citer que quelques-uns, ainsi que des commerces de proximité
  • Le renforcement de l’offre en périscolaire, en centres de loisirs, l’objectif que chaque enfant de 8 à 12 ans parte chaque année en vacances, pour assurer une présence éducative et collective dans tous les temps de l’enfant, en particulier ceux des quartiers prioritaires
  • Le renforcement de l’emploi public comme vecteur d’inclusion économique et sociale des quartiers et en particulier de sa jeunesse
  • La réappropriation des espaces publics les plus sensibles des quartiers : plus aucun espace vacant en rez de chaussée aux Templiers, une Grand’Goule réappropriée par des activités associatives et des logements rénovés, la barre Normandie Niemen progressivement réhabilitée et accueillant de nouvelles activités de services, la place de l’Horloge animée de multiples activités.
  • La restructuration de l’offre de médiation sociale, vers plus de proximité, de coopération dans l’action de prévention indispensable à l’apaisement social dans tous les quartiers.

 

Pour n’en citer que quelques-uns, en partenariat bien sûr avec la communauté urbaine sur les enjeux de logement social, de mobilités, de développement économique des quartiers.

Des défis importants, des défis qui mobiliseront l’énergie de tous ses acteurs, tous ses habitants, et, je l’espère, de tout le Conseil municipal.