Une loi censurée, mais à quel prix ?

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Une loi censurée, mais à quel prix ?

Avis du Conseil constitutionnel sur la loi dite Asile et immigration

En censurant largement le projet de loi immigration (32 articles étaient des cavaliers législatifs, 40% du texte est censuré), les Sages du conseil constitutionnel ont préservé l’Etat de Droit, ont évité le pire et que la République ne soit abîmée. Nous, élu·es de Poitiers Collectif, le saluons. La prise en compte de la contribution de l’ANVITA (Association nationale des villes et territoires accueillants), signée notamment par la maire de Poitiers, est une bonne chose. 

La censure de trois articles concernant les étudiant.es, y compris l’instauration d’une caution préalable pour les étudiant.es étranger.es et la majoration de leurs frais de scolarité, répondant à l’appel des Présidents et Présidentes d’Université, est particulièrement à souligner pour notre ville, ville d’accueil universitaire où chaque étudiant et chaque étudiante doit se sentir bienvenu.e. 

Toutefois, on ne peut ignorer que nos institutions sortent fragilisées de cette séquence. Quand le gouvernement ignore la motion de rejet votée par l’Assemblée nationale et met en place une commission mixte paritaire avec la volonté claire de reprendre le texte porté par le Sénat dans une compromission avec la droite, ce sont les processus démocratiques qui sont méprisés. Quand Sacha Houlié, député de la Vienne et président de la Commission des lois, refuse de voter le texte dont il a pourtant été l’un des architectes en sa qualité de Président de cette commission paritaire, c’est la voix de tous les parlementaires qui perd de sa force. Quand le Président de la République, le Ministre chargé du dossier et les parlementaires soutiennent un texte dont ils (re)connaissent le caractère inconstitutionnel de certains articles, c’est une porte qui s’ouvre sur une remise en cause de la constitution elle-même. Devant tant de cynisme, comment reprocher aux citoyennes et aux citoyens leur défiance grandissante envers les institutions ?

Et comment s’étonner de la montée de l’abstention aux élections ? Loin de la reconnaissance promise aux électeurs de gauche qui avaient répondu à l’appel du barrage républicain en avril 2022, et malgré le retrait de certains articles, la loi dite “asile et immigration” reste une loi profondément ancrée à droite et à l’extrême droite. L’exclusion de l’aide sociale à l’enfance de certains étrangers ou encore la promesse d’une réforme de l’AME sont autant de compromissions avec le Rassemblement National. Et lorsque le Président reprend les éléments de langage d’Eric Zemmour lors de sa conférence de presse du 16 janvier, et qu’il souhaite un “réarmement démographique” pour que “la France reste la France”, il continue de brouiller les lignes entre l’extrême droite et les forces républicaines. Le Président et son Gouvernement ne font pas barrage à l’extrême droite, ils lui construisent un marche pied. 

Nous l’avons déjà dit et nous le réaffirmons, pour nous Liberté, Egalité et Fraternité ne sont pas de vains mots. Nous apportons notre soutien à tous ceux et toutes celles qui œuvrent au quotidien pour l’accueil et l’égale dignité. Nous réfutons l’idée selon laquelle la France subirait actuellement une crise migratoire, c’est une crise de l’accueil à laquelle nous faisons face. Et une crise qui ne va faire qu’empirer si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour faire face aux déplacements de population qui vont augmenter du fait des dérèglements climatiques. Il est urgent d’agir. Nous continuerons à travailler pour que la ville de Poitiers puisse proposer cet accueil digne de toutes celles et ceux qui rejoignent la France.